peut-être jamais, un plus grand nombre de navires de guerre de tout rang disposés en un ordre parfait. On célébrait, ce même jour, une fête musulmane. Tous les bâtimens étaient couverts de leurs pavois et saluaient, du feu de leurs batteries, le soleil couchant par une journée splendide. C’était un spectacle d’une incomparable magnificence. Il me parut qu’un armement aussi formidable serait, pour la puissance de Mehemet-Ali, un rempart infranchissable, et dans mon ignorance des hommes et des choses, je me persuadais que le pacha sortirait victorieux de la lutte dans laquelle il était engagé. Je m’imaginais en outre que la Providence réservait à mon pays, dans cette occurrence, un rôle digne de lui, et que, trouvant une occasion favorable d’intervenir, il contribuerait au rétablissement de la paix en conciliant tous les intérêts.
Mes espérances, comme mes prévisions, furent aussi vaines, aussi éphémères que la résistance opposée par les armées égyptiennes à l’agression des forces alliées. Peu de jours après mon arrivée on apprenait en effet que les troupes d’Ibrahim-Pacha étaient en pleine déroute, harcelées par les populations insurgées autant que par l’ennemi, et qu’après avoir essuyé des pertes considérables, elles s’étaient réfugiées sous le canon de la place de Saint-Jean-d’Acre. Cette défaite, plus rapide qu’inattendue, me fut un sujet de pénibles, mais d’utiles réflexions ; les circonstances, bien mieux qu’une laborieuse préparation, aidèrent, dès ce moment, à mon éducation professionnelle. Loin d’assister au triomphe de notre politique, aux succès de Mehemet-Ali, je vis la victoire couronner les efforts des puissances qui s’étaient entendues en nous excluant de leur concert, et le pacha tomber du haut de son prestige à la merci de ses adversaires. À la vérité, les alliés s’étaient donné pour tâche de rendre au sultan les provinces qu’il avait perdues, et au besoin de déposséder Mehemet-Ali même de l’Egypte. Grâce à l’attitude prise par la France et gardée pendant le conflit, grâce à la sagace promptitude avec laquelle le pacha sut lui-même saisir une occasion propice, les puissances jugèrent prudent de ne pas poursuivre leurs avantages jusqu’au dernier terme de leur programme. Mehemet-Ali conserva l’Egypte, et, d’un concert unanime, d’accord cette fois avec la France, elles déterminèrent le sultan à lui en concéder la possession héréditaire. Tel est le titre international dont ses successeurs bénéficient encore à l’heure présente.
L’histoire de ce temps n’est pas écrite ; mais l’écrivain qui voudra l’entreprendre peut en réunir sans peine les élémens ; elle a été ébauchée partout ; je me suis permis moi-même d’en