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LACORDAIRE INTIME
L’AMI ET LE PRÊTRE

« Si c’est vers les âmes que tes affections se portent, aime-les, ô mon âme, mais aime-les en Dieu. Ramène avec toi toutes celles que tu pourras ramener; tu les entraîneras, parce que l’esprit de Dieu parlera par ta bouche. » Bien des siècles se sont écoulés depuis que saint Augustin laissait échapper ces paroles dans ces Confessions brûlantes où il exhalait devant Dieu ses remords et ses ardeurs; et cependant, lorsque naguère elles me tombaient sous les yeux, c’est à Lacordaire qu’elles me faisaient aussitôt penser. Si, parmi les orateurs sacrés que notre âge a connus, il en est un qui ait ramené les âmes, c’est assurément celui dont l’éloquence rassemblait sous les voûtes, longtemps désertes, de Notre-Dame, une l’ouïe telle que, depuis le moyen âge, la vieille basilique n’en avait point vue. Mais, s’il les a entraînées, ce n’est pas seulement parce que l’esprit de Dieu parlait par sa bouche, c’est aussi, c’est surtout parce qu’il les a aimées.

Cet amour du prêtre pour les âmes est le grand secret de l’action qu’il exerce. On peut dire que sa force est en proportion de son amour. Quelle est l’origine de cet amour, sur lequel ne s’est point exercée l’observation des psychologues, et qui a échappé aux classifications d’un Stendhal, parce qu’il était incapable même d’en concevoir l’idée ? Est-ce un sentiment d’une nature toute particulière, qui serait chez le prêtre un des fruits surnaturels de la vocation, qui se développerait par le ministère et qui se confondrait avec les autres devoirs du sacerdoce? Est-ce, en un mot, ce qu’on appelle, dans la langue religieuse, une grâce d’état?