Les vacances sont donc finies : la Chambre reprend sa session aujourd’hui même, et le Sénat reprendra la sienne dans huit jours. Samedi dernier, M. le président du Conseil, accompagné de quelques-uns de ses collègues, est allé à Bordeaux assister à l’inauguration d’une exposition très intéressante, et il en a profité pour prononcer un discours qui ne s’adressait pas seulement à un auditoire nécessairement restreint, mais au pays tout entier. M. Ribot a traité un grand nombre de questions dans sa substantielle harangue. Il a voulu marquer de traits caractéristiques la situation présente telle qu’il l’aperçoit, et ouvrir quelques perspectives d’avenir. Il y aurait beaucoup à dire sur son discours : nous réservons, pour y revenir dans un moment, toute la partie qui se rapporte à la politique étrangère; elle ne saurait appeler de notre part ni critique, ni réserve. Quant à la politique intérieure, M. le président du Conseil y apporte une bonne volonté, une loyauté, une confiance qu’on ne saurait trop louer ; mais nous ne sommes pas bien sûr qu’il ne s’y mêle pas aussi une certaine part d’illusions. M. Ribot s’est proposé, a-t-il dit, d’amener l’apaisement des esprits dans le Parlement: un avenir prochain montrera s’il y a réussi. Une sorte d’accalmie s’est produite : elle tient à des circonstances diverses. Nous n’oserions pas, avec M. le président du Conseil, en attribuer le principal mérite à la restauration de la vieille formule de « l’Union républicaine ». Cette formule, faite d’équivoque et d’empirisme, n’a pas été la nôtre autrefois et ne saurait l’être aujourd’hui. Certes l’union est un beau mot, et la chose est meilleure encore; mais les mots, en politique, perdent quelquefois leur sens grammatical, — ce qui n’empêche pas les choses de rester ce qu’elles sont. Personne n’ignore ce que cache, ou, pour mieux dire, ce que ne cache plus le mot d’union républicaine. Mais à quoi bon insister? Nous aimons mieux reconnaître que les hommes ont fait des efforts méritoires pour s’élever au-dessus de la syntaxe parlementaire qu’ils continuent d’imposer à leurs discours, et ils y ont réussi le plus souvent. Dans son discours même, M. Ribot a montré sur beaucoup de points un véritable courage d’esprit. Il a reconnu avec franchise que le budget était en déficit, et qu’il ne retrouverait son équilibre que si les Chambres votaient des taxes nouvelles. Le déficit s’élève à plus de 50 millions. On doit prendre ce chiffre comme un minimum : M. Ribot, à coup sûr, n’a pas exagéré. Serait-il un peu plus considérable qu’il n’y aurait pas encore lieu de s’en émouvoir beaucoup, si on avait affaire à une Chambre vieillie dans la politique, ayant de l’expérience et du sang-froid. Malheureument, nous ne sommes pas sûrs que ce soit là le caractère de la Chambre actuelle. Le gouvernement a-t-il assez d’autorité sur elle pour la diriger et la modérer? A-t-elle un frein en elle-même, dans la forte constitution des partis qui la composent? A ces questions, comment ne pas faire une réponse négative? Et dès lors la Chambre
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