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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 mai.


Les vacances parlementaires ont été courtes, mais bonnes. Elles nous ont reposé de quelques mois d’agitation le plus souvent stérile. Elles ont permis au gouvernement de faire, sauf contrôle ultérieur, un certain nombre de choses utiles. Loin de nous la pensée de diminuer le prestige du gouvernement parlementaire ; mais, dans ce gouvernement, s’il est pratiqué d’une manière normale, la Chambre a des attributions et le pouvoir exécutif en a d’autres, et lorsque la Chambre veut les exercer toutes à la fois, les siennes et celles d’autrui, on arrive fatalement à la confusion et à l’impuissance. C’est ce qui s’est produit trop souvent. Il en est résulté, — et nous ne cachons pas la gravité du fait, — que les vacances parlementaires sont devenues un temps de répit qui donne au pays le temps de se reposer et de reprendre haleine et au gouvernement celui de gouverner et d’agir. On vient d’avoir près d’un mois de vacances : pendant ce temps, la grève des allumettiers et celle des employés d’omnibus de Paris ont pris fin. Qui pourrait mettre en doute que, si la Chambre avait été présente, la seconde au moins aurait duré plus longtemps et aurait pris un autre caractère ? Il a suffi que le gouvernement assurât une égale liberté à tous, à ceux qui ne voulaient pas travailler et à ceux qui voulaient le faire, pour que la grève cessât en quelques jours. Si la tribune du Palais-Bourbon avait retenti des déclamations des députés socialistes et radicaux, n’est-il pas probable, ou plutôt certain, que la grève se serait prolongée davantage ? La conclusion en aurait été la même : seulement la misère encourue aurait été plus grande et les fermens de haine restés dans les cœurs auraient été plus actifs. Le gouvernement a pris quelques mesures d’ordre, destinées à garantir la liberté de tous, et la grève s’est éteinte d’elle-même : seulement il fallait pour cela que le ministère conservât lui aussi une certaine liberté, ne fût-ce que la liberté d’esprit dont il ne jouit pas toujours en présence des Chambres.