comme une force morale indépendante, capable d’enrayer et de diriger cette évolution. Puis ce fut un autre naturaliste, Georges J. Romanes, abjurant avant de mourir son ancienne foi dans la valeur absolue de la raison et de l’expérience scientifique.il avait publié en 1879 un petit traité anonyme : Naïf examen du Théisme, où il déclarait expressément que « la volonté libre était une absurdité » et que « l’hypothèse d’une Providence était superflue. » Mais peu à peu sa conception de la vie s’était modifiée ; et ses Pensées sur la Religion, qui viennent d’être publiées, au lendemain de sa mort, par les soins d’un ami, contiennent la rétractation la plus formelle de son rationalisme d’autrefois. Romanes y reconnaît l’impossibilité pour la science d’atteindre à la réalité objective, et la nécessité pour l’esprit de suppléer par la foi aux lacunes de la science. Et la foi qu’il recommande n’est point le simple déisme, mais la foi chrétienne, cette religion de l’Évangile « dont la divinité se prouve tout ensemble par l’histoire de son développement et par la sublimité de ses préceptes moraux. »
Ce sont les mêmes idées que soutient M. Balfour dans ses Fondemens de la Croyance, mais avec une éloquence, une vigueur de logique, une autorité infiniment supérieures. Sur quoi il a beau répéter, à mainte reprise, que son intention n’est point de détruire, mais de fonder ; qu’il cherche seulement à concilier la science avec la foi et la raison avec l’autorité : on aperçoit tout de suite que la portée de son livre est avant tout critique, et on lui sait gré de déclarer la guerre, comme il fait, aux prétentions excessives de la science et de la raison. De là vient le grand succès de son livre ; et de là aussi la violence des attaques qu’il a eues à subir, dans les journaux et les revues, de la part des principaux représentans de l’esprit scientifique. Mais, outre que la violence de ces attaques est, jusqu’à présent, ce que j’y ai trouvé de plus remarquable, je ne puis songer à les analyser avant d’avoir brièvement indiqué le sujet et les argumens essentiels du livre même qui en est l’objet.
Les Fondemens de la Croyance, notes pouvant servir d’introduction à l’étude de la Théologie tel est le titre complet du livre de M. Balfour. Et l’auteur prend encore la précaution de nous expliquer, dans un avant-propos, que ce n’est pas à la théologie même, mais à « l’étude de la théologie » qu’il s’est proposé de nous préparer. Ce qu’il a voulu, en d’autres termes, c’est simplement rechercher si l’étude de la théologie est ou n’est pas, a priori, tout à fait déraisonnable ; si un homme de bon sens peut ou ne peut pas aborder l’étude d’une science qui repose sur l’autorité d’une révélation surnaturelle, et qui admet pour point de départ toute une série de mystères. Cela revient à se demander