accumulés de plusieurs années. La violence des crises de concurrence aiguë s’est à la vérité un peu adoucie à l’heure actuelle; aux guerres à outrance ont généralement succédé les rencontres de partisans, et aux batailles rangées les conflits d’avant-gardes. Mais l’hostilité latente des compagnies dans leurs rapports réciproques reste toujours en éveil ; sans cesse elle fait ressortir les points faibles sur lesquels des luttes de tarifs s’engagent, courtes d’ordinaire, mais aussi plus répétées, — les journaux en annoncent chaque jour de nouvelles. Amorcées à tout instant par un petit nombre de compagnies turbulentes dont la réputation à cet égard est faite aux Etats-Unis, elles sont toujours préjudiciables à qui s’y laisse entraîner, et peuvent devenir fort dangereuses pour les compagnies capitalisées à l’excès ou pour celles que leur situation financière met d’autre part en péril. Ainsi la faillite du Northern Pacific railroad, survenue en août 1893, est sans doute due en grande partie à la concurrence incessante du Great Northern, son rival septentrional.
La législation a toujours favorisé dans son principe la concurrence légitime entre les chemins de fer aux Etats-Unis. Ainsi elle a prohibé les associations de trafic, interdit la fusion des lignes parallèles. Rien ne protégeait donc les compagnies contre elles-mêmes : elles durent chercher de leur propre mouvement à remédier aux excès de la concurrence dont elles souffraient, et de ces tentatives ont résulté, d’une part, la constitution des grands réseaux ou, comme on dit en Amérique, la consolidation; d’autre part, les essais d’association dans le trafic.
Depuis une trentaine d’années, le mouvement de consolidation, la concentration progressive des lignes nombreuses et indépendantes en quelques vastes systèmes, s’est fait sentir aux Etats-Unis avec une intensité remarquable, suivant une marche plus rapide que la construction même des voies ferrées. Cette tendance s’explique d’abord en Amérique, comme elle fait en Europe, par les mêmes causes que la formation de la grande industrie, dont elle est un cas ; elle répond aux exigences des grands mouvemens commerciaux qui demandent la création de grandes lignes correspondantes; enfin et surtout elle offre un moyen coûteux, mais décisif, de mettre un terme aux concurrences locales trop ardues. De fait, sur les 1 785 compagnies légalement constituées au 1er juillet 1891 dans l’Union nord-américaine, 709 seulement ont une existence indépendante, et, parmi ces dernières, 41 exploitent à elles seules 56 pour 100 de la longueur totale du réseau, soit 151 672 kilomètres. Encore ces chiffres officiels ne donnent-ils pas une expression exacte de la situation, parce qu’ils considèrent comme unités séparées des compagnies, — telles que les diverses lignes Vanderbilt,