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rade, puis, quelques jours avant le Baïram, l’ancien vali Ahmed-Ratib-Pacha fut destitué brusquement et remplacé par Hassan-Bey, qui commença par interdire les prélèvemens sur la location des chameaux et la vente à la Mecque des billets de retour. Cette dernière décision porta le coup le plus sensible à l’entreprise projetée, car le seul des deux navires en état dut partir presque vide de passagers payans. La source des bénéfices était donc très compromise, mais on ne fut pas à court d’expédiens et on trouva une solution tout à fait élégante. Il fut décidé que tous les pèlerins javanais, les seuls qu’on osât pressurer à nouveau, seraient tenus de faire avant de partir un cadeau de 20 francs, et que leurs guides seraient responsables de la perception de cette somme. On empêchait en même temps les pèlerins récalcitrans de quitter la Mecque et on faisait mettre leurs guides en prison.


V

L’hygiène du pèlerinage doit être considérée au point de vue de l’hygiène privée ou individuelle et à celui de l’hygiène publique et internationale ; plus on fera pour la première, moins on aura à réglementer la seconde. Malheureusement, l’hygiène individuelle des pèlerins est déplorable. Ils arrivent à Djeddah, épuisés déjà par un long voyage accompli dans des conditions détestables d’encombrement à bord des navires. Brûlés le jour, ces malheureux sont exposés pendant les nuits très froides du désert à de brusques changemens de température. Un grand nombre dort à la belle étoile, sur la terre nue, s’imprégnant de miasmes paludéens très souvent pernicieux. La nourriture est mauvaise, hors de prix. L’eau enfin, nous l’avons déjà dit, vendue partout fort cher, est souvent saumâtre et exposée à toutes les souillures<ref> Il existe à l’Arafat un grand bassin (Hod) de forme carrée, assez spacieux, rempli d’eau provenant de la fontaine Eïn-Zobeïda ; il est divisé en cinq parties, séparées l’une de l’autre par une construction en maçonnerie. Ces bassins secondaires servent indistinctement soit à la boisson des hadjis, soit à l’abreuvage des chameaux, des chevaux, des ânes et des mulets. ils servent également pour le bain des hadjis, et comme lavoir pour leurs vêtemens. </ef>. Avec le concours du refroidissement, de la misère, de l’encombrement, cette eau détermine bientôt la dysenterie et ces diarrhées d’épuisement qui font tant de victimes et préparent singulièrement l’explosion du choléra. Si des germes ont été importés, nul doute que l’eau des puits, des citernes, souillée par les ablutions, les infiltrations, les outres dont la surface velue et visqueuse est souvent couverte d’immondices, nul doute