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l’aumône et le jeûne constituant les trois autres. C’est ce que l’on nomme les « piliers » de l’islamisme.

Mais le pèlerinage n’est obligatoire que pour quiconque est en état de le faire. C’est en s’appuyant sur ce texte que le docteur Saleh-Soubhy, qui a pris part au pèlerinage de 1892, propose la mesure suivante : chaque pèlerin devra fournir avant son départ la preuve qu’il possède les ressources nécessaires au voyage aller et retour, et à son entretien. « Avec une insouciance inouïe, dit-il, bon nombre de pèlerins se sont engagés sans aucune ressource pour le long voyage de la Mecque. J’en ai vu qui ne possédaient pas une seule pièce de monnaie. Deux sont morts de soif dans les déserts d’Arafat, n’ayant pas de quoi acheter un peu d’eau. Une grande quantité de pèlerins n’ont pendant ces deux mois pour toute nourriture que les restes d’un misérable repas ou le pain de l’aumône. Il ne faut pas se le dissimuler, ajoute-t-il, si le désert pouvait parler, il dirait de combien de ces infortunés il a gardé les os dans son jaune linceul. »

Pour Saleh-Soubhy, les enfans au-dessous de six ans, les femmes dans un état avancé de grossesse, les aveugles, les vieillards faibles et impotens, les personnes qui n’ont pas un certificat de vaccine datant de moins de trois ans, ne devraient pas être autorisés à se rendre à la Mecque. Le Prophète ayant dit : « Il faut éviter d’entrer dans un pays contaminé par une épidémie quelconque, pour respecter la volonté divine, et ne pas en sortir pour ne pas faire voir que vous fuyez la volonté de Dieu, » cela veut dire, suivant Saleh-Soubhy, que dans l’année où il y a des pèlerins du sud (Indes, Java, etc., pays où le choléra est endémique), il faut empêcher leur contact avec les pèlerins venant du nord. Aussi propose-t-il que le pèlerinage pendant les années de chiffre impair, soit exclusivement réservé par exemple aux habitans des pays du sud, habituellement contaminés, tandis que les habitans des pays du nord, ordinairement indemnes, feraient le pèlerinage pendant les années dont le chiffre est pair.

Après 1831, et surtout depuis 1847, on apprit à Constantinople, par le récit des pèlerins venant de la Mecque, que souvent le choléra sévissait pendant le pèlerinage. Le retour des caravanes suscita même, à diverses reprises, des inquiétudes en Égypte et à Damas; mais les craintes cessaient à l’arrivée des hadjis qui racontaient les premiers ravages de la maladie, puis sa complète disparition après un certain temps de marche à travers le désert. Depuis cette époque, le choléra a été constaté à plusieurs reprises à la Mecque. En 1865, sur de fausses déclarations du capitaine, la libre pratique fut accordée, à Suez, au Sidney, vapeur anglais venant de