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autres. On traverse ainsi tout un massif montagneux, en s’élevant insensiblement, jusqu’au grand plateau de Hadda. La route, tracée par le passage séculaire des caravanes, ressemble au lit desséché d’une rivière. Un sable fin la couvre. Sa largeur est d’environ 20 mètres ; ce ruban se déroule ainsi de Djeddah à la Mecque, et même jusqu’à Mouna. Après avoir laissé à gauche les hautes montagnes de Hadda et avoir traversé le grand plateau du même nom, la route s’engage à nouveau dans une succession de cirques de même apparence que les premiers. C’est dans une étroite vallée de ce massif montagneux que se cache la Mecque.

On n’aperçoit la ville qu’en y entrant et l’œil ne peut embrasser, même à ce moment, un ensemble quelconque. La mosquée est cachée au fond de cette cuvette de montagnes. Elle forme, avec la maison du Prophète, le point le plus bas de la ville; elle est au centre d’un bassin placé à deux ou trois mètres au-dessous du niveau des rues environnantes ; il faut descendre plusieurs degrés pour y pénétrer. Cette différence de niveau est due à ce que, le vent projetant du sable, le sol s’élève graduellement autour du portique à colonnes qui entoure la mosquée, et aussi à ce que chaque inondation dépose une certaine quantité de limon. Lorsque l’eau des pluies torrentielles descend en effet des flancs abrupts des monts qui enserrent la ville, tout est noyé, l’écoulement des eaux ne pouvant se faire ni du côté de Mouna, ni du côté opposé. La Mecque se trouve ainsi comme enterrée dans une vallée étroite, aride et sablonneuse, entourée de collines de 150 mètres environ de hauteur, granitiques et absolument stériles. A l’est, l’une de ces éminences est couronnée d’un château fort occupé par une garnison turque. La forme de la ville est celle d’un ovale de un kilomètre et demi de longueur. Le sol se compose d’une couche de sable reposant sur un vaste lit d’argile.

A l’extrémité sud-ouest de la ville se trouve un village nègre composé de huttes, pour la plupart construites en fer-blanc provenant de bidons à pétrole. On peut évaluer à 3 000 ou 4 000 individus le chiffre de la malheureuse population de ce village. On traverse ensuite une petite plaine qui sert de dépôt aux immondices de la Mecque. Un peu plus loin, à 300 mètres environ, se trouve une vaste piscine longue de 20 mètres et large de 10, d’où coulait encore en octobre dernier un véritable ruisseau, servant à l’irrigation d’une petite oasis contiguë, qui mesurait quelques hectares et renfermait une maigre luzernière, envahie de chiendent, quelques petits carrés de tomates, des pimens, des pastèques, quelques pieds de maïs, une centaine de palmiers, et enfin quelques arbres épineux.