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la métaphysique : le public leur témoigne à toutes deux une égale indifférence.

Quant aux systèmes métaphysiques proprement dits, l’esprit historique conduit à les considérer comme des faits d’une nature spéciale, comme d’utiles documens sur l’état des esprits et sur la nature des croyances dans une certaine civilisation, à un certain moment. Mais l’historien ne s’arrête pas à examiner s’ils approchent plus ou moins de la vérité absolue, pas plus qu’il n’a égard au caractère sacré de la Bible, quand il y cherche des renseignemens sur les mœurs des anciens Sémites. La méditation métaphysique suppose une certaine attitude mentale : l’usage de la méthode historique en donne une autre, toute différente. N’est-il pas inévitable qu’une génération éprise de l’histoire, vivant en elle, adaptée pour ainsi dire à elle, soit indifférente à un ordre de recherches dont la méthode lui est étrangère et suspecte, et qui ne peuvent donc que lui paraître creuses et chimériques ?

Là serait une des causes principales qui ont amené peu à peu l’état d’abandon où se trouve la métaphysique en Allemagne. Dans les Universités, dans la faveur du public qui lit, la place qu’elle occupait jadis a été prise par des travaux d’ordre scientifique, les uns biologiques, les autres historiques. Cette substitution a été d’autant plus aisée que justement une période d’activité métaphysique venait de se clore. Toutes les issues sortant de la doctrine de Kant avaient été tentées, une période de repos commençait. Au contraire les études biologiques et historiques, nouvelles ou renouvelées, attiraient la plupart des jeunes savans. Le succès y était presque certain, à condition de procéder avec méthode. De plus, l’extrême complexité de l’objet de ces sciences permettait, imposait même la division du travail : circonstance favorable au caractère allemand, qui aime à la fois l’indépendance et la discipline. Un sujet de travail très limité, exigeant l’emploi d’une méthode très minutieuse, n’est pas pour le rebuter : il exerce sa patience sans paralyser son imagination. De la sorte, tandis que les séminaires historiques et philologiques se multipliaient, tandis que se fondaient à l’envi, dans les Universités, grandes et petites, laboratoires, cliniques et instituts, la métaphysique, naguère si florissante, voyait sa part se restreindre de plus en plus. Elle finissait par n être presque plus, elle aussi, qu’un objet de curiosité historique.


II

Aussitôt que la pensée de l’homme se possède, elle fait effort pour s’expliquer l’origine et l’essence des choses ; inquiète de sa