ficile à interpréter ! Difficulté d'autant plus vivement sentie que le savant y apporte une sagacité plus expérimentée, et une méthode plus circonspecte! Voyez comme, à ce point de vue, la physiologie de Descartes diffère de la nôtre ! Descartes croyait le mécanisme de la vie relativement simple. Il abordait, sans hésiter, l'explication de faits que nos physiologistes, plus instruits et par suite plus prudens, s'estimeraient heureux de déterminer avec précision. Ils savent que la complexité des phénomènes vitaux est presque infinie, et que, de beaucoup de ces phénomènes, même des plus généraux, ils ne peuvent donner qu'une description sommaire et grossière. Il ne suffit donc pas de dire avec Bacon que le savant doit suivre docilement la nature et s'attacher à ses pas pour lui dérober ses secrets : il faut avouer qu'ici cela même est singulièrement malaisé. Trop souvent les faits biologiques présentent au chercheur un véritable labyrinthe, et plus d'une fois, pour choisir entre les routes qui se présentent, un fil conducteur lui fait défaut.
Dans la physique et dans la chimie, la difficulté, toujours considérable, est sensiblement moindre. L'expérimentateur y a affaire à la matière brute, inorganique, qui s'offre, toujours identique, aux prises de ses instrumens. Au moyen d'artifices souvent assez simples, il arrive à mesurer les faits : le mathématicien s'en empare, et la détermination de la loi peut devenir complète. Mais dès que l'on opère sur des êtres vivans, comment être sûr que deux expériences soient faites dans des conditions rigoureusement identiques ? La vie, comme un ennemi rusé, semble se plaire à déjouer les combinaisons et à tromper les précautions de l'expérimentateur. Les lois échappent, les faits mêmes parfois se dérobent. La science alors, à cause de l'extrême complexité de son objet, relâche quelque chose de sa rigueur idéale. Ne pouvant démontrer le « nécessaire », elle se borne provisoirement à établir, selon le mot d'Aristote, « ce qui arrive le plus souvent. » Elle se trouve en présence d'une matière si variée, si riche, si mouvante qu'elle ne peut espérer, je ne dis pas de s'en rendre maîtresse, mais de s'attaquer aujourd'hui aux problèmes fondamentaux. Longtemps encore, malgré les efforts d'expérimentateurs ingénieux, malgré les révélations, souvent énigmatiques, il est vrai, de la pathologie, elle devra se contenter de patiens travaux d'approche, et d'avancer pas à pas dans la détermination exacte des faits.
On voit dès lors pourquoi une génération passionnément appliquée à des recherches de ce genre sera, par cela même, très peu portée vers la métaphysique. Les esprits sont orientés dans