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des armées de Sambre-et-Meuse et du Rhin, et ces armées sont sans commandement. Moreau, devenu suspect pour avoir connu les complots de Pichegru, et ne les avoir révélés qu’après le 18 fructidor, a été remplacé par Hoche, qui a eu ainsi, un moment, les deux armées dans la main. Mais Hoche meurt le 19 septembre. Le Directoire ne s’en déconcerte pas : il décerne de magnifiques funérailles au héros ; puis, comme Augereau devenait gênant à Paris et prétendait siéger au Directoire, il lui donne le commandement de l’armée d’Allemagne « pour arrêter ses pernicieux desseins, le récompenser et l’écarter en même temps. » Toutes ces raisons n’en faisaient pas un général d’armée capable de remplacer Moreau et Hoche. Ne recevant d’ailleurs ni réponses ni avis de l’armée d’Italie, les Directeurs continuent de raisonner dans le vide, prenant leurs instructions pour des victoires, élevant le ton d’un courrier à l’autre, augmentant les exigences, restreignant les concessions, déclarant possible ce qui leur semble souhaitable, tenant pour accompli ce qu’ils ont ordonné et prenant le silence de Bonaparte pour un consentement de la destinée.

Larevellière-Lépeaux présidait alors le Directoire et tenait la plume. Ses dépêches rappellent les beaux jours de Brissot. Le 21 septembre, il mande à Bonaparte de conserver à la France les îles Ioniennes et les bouches de Cattaro : la République sera ainsi en mesure de brider l’ambition de la maison d’Autriche du côté de l’Albanie, de la Bosnie, du Monténégro, de l’Herzégovine. Le 23 septembre : l’Autriche convoite Malte, elle ne doit point l’obtenir ; les vues de Bonaparte sur l’Egypte sont « grandes, et l’utilité doit en être sentie » ; la France déjouerait par là les entreprises des Russes et des Anglais dans la Méditerranée. Le Directoire, du reste, ne veut plus rien donner, les principes s’y opposent : « Nous ne sommes pas entrés en Italie pour nous faire marchands de peuples. » « On ne peut plus penser au moindre ménagement envers la maison d’Autriche, qu’il faut attaquer par tous les moyens. Sa perfidie, son intelligence avec les conspirateurs de l’intérieur, sont manifestes. » Le 27 : les Autrichiens ont occupé Raguse, il faut en prendre acte pour occuper Malte ; cette occupation devient légitime. Le 29, le Directoire arrête des instructions « irrévocables » : c’est l’Italie libre jusqu’à l’Isonzo : l’Istrie et la Dalmatie, tout au plus, et si l’on ne peut l’éviter, Salzbourg et Passau, à l’empereur ; mais le Directoire, délivré de « l’influence autrichienne » ne veut point renouveler « l’erreur monstrueuse du traité d’alliance de 1756 » ; il ne veut pas livrer l’Italie. Tel est son ultimatum, « déjà trop favorable à l’Autriche ». Le Directoire n’y changera rien. « Il préfère les chances de la