d’exterminer les Autrichiens, de garder toutes les terres de Venise, de les adjoindre à la Lombardie et d’en faire une Batavie italienne ; les pacifiques, se targuant de l’indépendance des peuples, des libertés publiques, du respect du droit des gens pour discréditer Bonaparte, montrer en lui le boute-feu d’une guerre indéfinie, enlever au Directoire son principal appui dans l’opinion, l’alchimiste et le magicien qui lui fabriquait de l’or et du prestige.
Les nouveaux élus — le nouveau tiers, comme on disait — apportaient dans les conseils un état-major de futurs sénateurs de l’empire et de futurs pairs de France de la monarchie restaurée. Sauf, et c’était un grand point, le parti de l’émigration et de l’alliance étrangère, toutes les nuances de la contre-révolution y figuraient. De la droite au centre, ces députés n’étaient, au fond, d’accord entre eux que sur quatre points : faire la paix, renverser le Directoire, expulser les Jacobins, et se débarrasser des généraux républicains. Cet accord des opposans suffit à réunir tous les hommes qu’ils prétendaient supprimer ou supplanter dans l’État, c’est-à-dire tous les hommes que leurs convictions, leurs actes, leurs intérêts liaient à la Révolution, tous ceux qui avaient fondé la République, et pour lesquels la « République sans républicains » signifiait la proscription, la ruine, la persécution, la perte de leurs grades, l’abandon de leurs espérances, l’anéantissement de leurs principes, l’humiliation et l’assujettissement de la patrie. Cette coalition s’étendait des membres des anciens comités et des régicides, aux modérés de la Convention et aux généraux des armées ; elle solidarisait Barras et Hoche, Bonaparte et Larevellière-Lépeaux. Entre ces factions acharnées, parce qu’elles luttaient pour la vie, la place d’un parti de politiques et de libéraux n’était pas encore faite ; la conciliation ne semblait possible que dans l’obéissance. Ceux qui essayèrent alors des tempéramens se condamnèrent pour longtemps à l’impopularité, à l’impuissance, à l’exil. Ce fut le sort de Carnot qui, proscrit en 1797 avec les royalistes, par les régicides, mourut, proscrit, en 1816, par les royalistes, avec les régicides.
La nouvelle majorité se manifesta par l’élection au Directoire de Barthélémy, à la place de Letourneur, Directeur sortant. Le choix était significatif : c’était la paix, et l’arrivée au gouvernement du parti que l’on qualifiait depuis 1795 de « faction des anciennes limites. » Par contre-coup cette élection rejeta du côté du Directoire ceux des constitutionnels, anti-jacobins déclarés, qui, tout en souhaitant la paix, ne la jugeaient solide et digne qu’avec la limite du Rhin. Barthélémy ne justifiait ni ces espérances ni ces alarmes. Ce diplomate de carrière et de tradition,