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serait infailliblement favorable à la Seigneurie. » L’officieux exigeait, séance tenante, une provision. Querini se débattit et finit par promettre 600000 francs en lettres de change et 24000 francs de commission ; mais il signifia que le paiement n’aurait lieu que sur l’engagement formel d’évacuer les territoires vénitiens et de faire cesser les menées révolutionnaires. Barras promit d’écrire à Bonaparte et de remettre à Querini une copie de la lettre. La promesse n’était pas plutôt donnée que l’officieux reparut : Barras se trouvait dans l’impossibilité de livrer la copie. Querini demanda qu’au moins les lettres de change ne fussent point escomptées avant que les engagemens eussent reçu un commencement d’exécution. Barras à cette nouvelle entra dans une indignation dont son courtier rapporta l’écho à Querini. Toutefois, moyennant 100 000 livres de plus, l’ex-vicomte consentit à laisser suspecter son honneur : — « Il recevra Querini et fournira un papier qui vaudra un engagement ; sinon, conclut l’officieux, Venise est perdue ! » Querini, épouvanté, signa pour 700 000 livres de traites et reçut, en échange, une lettre du secrétaire du Directoire certifiant que les Directeurs avaient donné des instructions conciliantes à Bonaparte : le secrétaire assurait, en outre, l’ambassadeur « des intentions amicales et pacifiques du gouvernement français. » Cet échange, de papiers eut lieu le 20 avril ; quant aux intentions « amicales et pacifiques » du Directoire, elles se traduisirent dans une lettre que Delacroix écrivit à Clarke, le 22 : « — Vu le désir que la nation manifeste pour la paix, mandait ce ministre, le Directoire autorise, quoique à regret, son plénipotentiaire à consentir à l’évacuation du Milanais et du Mantouan, mais en observant les délais nécessaires pour nous permettre de châtier les Vénitiens s’ils refusent de réparer leurs torts ; il faudra stipuler l’expulsion des Anglais de tous les ports autrichiens ; l’empereur devra consentir la cession de toute la rive gauche du Rhin, ou au moins le démantèlement de Mayence ; quant au dédommagement de l’empereur, le Directoire n’envoie à son représentant aucun ordre impératif. » Clarke s’inspirera de l’esprit de ses instructions et s’entendra avec le général Bonaparte. » Cette dépêche donne le dernier mot du Directoire, avant les préliminaires de paix.


II

Le courrier qui apportait cette convention arriva à Paris le 29 avril, au soir. Les sentimens des Directeurs furent très