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L’HÔTELLERIE

« Ils se rencontrèrent en une mesme
hôtellerie... »
CLAUDE BINET.

Midi : l’hôtellerie est solitaire et fraîche.
Son verger, d’où s’exhale un bon parfum de pêche,
Longe le grand chemin qui va de Tours à Blois.
Sur la porte un artiste a peint un coq gaulois :
Sa crête et ses ergots sont d’or, sa plume est rouge ;
Une treille l’encadre et le raisin qui bouge
Semble au moindre zéphyr tantaliser son bec.
Sur les murs, charbonnés à grands traits, un rebec
Evoque un soir de danse et de douce ripaille,
Et devant un hanap la salamandre bâille,
Tandis que sur sa tête un souple et fin croissant,
L’arc de Phébé, lui lance un carreau menaçant
Qui la dégoûtera du vin de la Touraine.
Pauvre bête ! c’est l’heure où la France a pour reine
Et pour unique roi Diane de Poitiers :
Aussi sur tous les murs des gais cabaretiers,
Le fabuleux serpent traîne son infortune
Sous des dards décochés par des croissans de lune.

Tout à coup l’aubergiste apparaît sur le seuil :
Le ciel rit dans sa barbe et Bacchus dans son œil,
La Persuasion habite sur sa lèvre,