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qu’il se trouvoit fort perplexe et demeuroit fort exulcéré… » — D’Ossat pansa la plaie comme il put.

En plus de ces difficultés inévitables, nées d’une bonne politique, — ce sage esprit n’avait garde de la reprocher au roi, — le patient négociateur en voyait surgir d’autres dont il se serait bien passé, et qui lui venaient de la complexion de son doux maître. Un jour il doit solliciter pour Angélique d’Estrées cette abbaye de Maubuisson, dont Sainte-Beuve a raconté en son Port-Royal la plaisante histoire et la destination peu canonique. Une autre fois il a commission de proposer pour le chapeau Sourdis, l’oncle de Gabrielle. Sourdis et d’Ossat, qui n’avait rien demandé pour lui-même, reçurent la pourpre le même jour, en 1599. Les mérites de l’un compensèrent tout ce qui manquait à l’autre. L’affaire la plus épineuse dans cet ordre d’idées était l’annulation du mariage du roi avec Marguerite de Valois. Henri devenait-il coulant et pressé dans quelque négociation avec la Curie, d’Ossat se réjouissait d’un côté et tremblait de l’autre. Lorsqu’un prince s’occupe vivement de Rome et s’y montre facile sur les grands intérêts, c’est le plus souvent sous l’aiguillon du diable, en vue de quelque divorce. D’Ossat le savait ; il savait surtout que c’était toujours le cas avec l’endiablé Béarnais. Il manœuvrait de façon à décourager toute instance en cassation de mariage.

Henri « s’était accoutumé avec Gabrielle, » comme disent les contemporains ; il pensait certainement à l’épouser. Mais la reine Marguerite ne voulait pas donner son consentement à l’annulation, « pour voir en sa place une telle décriée bagasse. » Quand la pauvre « bagasse » fut morte dans la petite maison de Zamet, en 1599, l’affaire alla toute seule ; on conclut à Rome en un tour de main l’union du roi démarié avec la fille du Médicis. D’Ossat n’était pas au bout de ses peines. Un mois après le mariage florentin, il vit arriver un étrange capucin, Travail, dit le Frère Hilaire de Grenoble, serviteur d’Henriette d’Entragues, porteur d’une lettre de crédit du roi en bonne et due forme. Ce personnage se réclamait bien haut de la nouvelle maîtresse, demandait une audience du Saint Père pour on ne sait quelles intrigues, clabaudait chez les cardinaux, faisait un train d’enfer. Voilà notre prudent diplomate aux cent coups. Il s’ouvre à Villeroy dans une lettre confidentielle fort effarée, sous son air voulu d’assurance ; il aimerait croire que ce fâcheux est un imposteur, mais il sait trop bien à quoi s’en tenir sur les faiblesses de son léger seigneur. « Monsieur, vous jugez assez de cette insolence capucine. Quant à moi, d’une chose m’assuré-je bien, que s’il lui reste quelque étincelle de sens et de jugement, il ne me tiendra jamais pour homme qui croie que mon bien être ou mon mal être