prenaient à leur charge un quart seulement de la dépense. Cette fois, elles en assurent la moitié, à savoir le département et les villes 6 627 000 francs, la Chambre de commerce de Rouen 4 937 5(00 francs celle du Havre 9 685 500 francs, — soit en tout: 21 250 000 francs. C’est, proportionnellement, plus qu’il n’avait encore été demandé, pour des travaux de ce genre, aux intéressés directs. Leur part, dans les dépenses faites jusqu’ici pour l’amélioration du Havre, de Rouen, même de Marseille, atteignait le quart, à peine. — Il y a donc tendance à faire participer de plus en plus aux travaux des ports ceux qui ont à en retirer un bénéfice immédiat. C’est arriver progressivement à cet heureux état social où l’utilité publique pourra s’apprécier d’après le critérium de Dupuit, à la fois ingénieur et économiste, qui disait en 1814 « qu’en matière de travaux publics, il n’y a d’utilité que celle qu’on consent à payer[1]. » C’est ce que disait déjà Adam Smith :
« Lorsque les grandes routes, les canaux, les ponts et les ports, sont construits et entretenus par le commerce même qui se fait par leurs moyens, ils ne peuvent être établis que dans les endroits où le commerce a besoin d’eux et, par conséquent, où il est à propos de les construire. La dépense de leur construction, leur grandeur, leur magnificence, répond nécessairement à ce que ce commerce peut suffire à payer... Il ne paraît pas que la dépense de ces ouvrages doive être défrayée par ce qu’on appelle communément le revenu public, celui dont la perception et l’application sont, dans la plupart des pays, attribuées au pouvoir exécutif[2]. »
Nos voisins d’outre-Manche sont restés fidèles aux enseigne- mens de l’illustre économiste; l’importance absolue qu’ils recon- naissent à l’initiative privée a contribué, pour une grande part, au développement économique et à l’enrichissement de la Grande- Bretagne.
A un autre point de vue encore, après les coûteuses leçons qui nous ont été prodiguées depuis un certain nombre d’années, l’intervention de l’Etat en matière de travaux est faite pour inspirer une légitime inquiétude. Il est désirable que son action aille s’amoindrissant, que celle des individus et mieux encore celle des associations s’y substitue avec une vue plus exacte de ce qui est utile. Mais ici, plus que partout ailleurs peut-être, on ne peut pas souhaiter une brusque révolution qui remplace instantanément un régime par l’autre. L’État a trop agi. Il ne faut pas en conclure qu’il ne doit plus agir du tout. C’est progressivement et,