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moyens y pourront donc circuler presque à tout moment, les grands transatlantiques environ cinq heures par marée. Autre avantage : les choses seront disposées de telle sorte qu’au lieu de la route sinueuse d’aujourd’hui, les navires gagneront en droite ligne le fond du nouvel avant-port. Là, ils trouveront une vaste écluse à sas de 30 mètres de large et de 225 mètres de long, permettant de pénétrer dans les bassins à toute heure de marée. On ne sera plus réduit, comme aujourd’hui avec les portes uniques, à n’ouvrir les bassins qu’au moment de la haute mer, ce qui impose souvent à la navigation des retards de plusieurs heures — sans parler du risque de voir les bassins se vider, et les navires qu’ils contiennent s’échouer, si un accident, toujours possible, vient à retarder la fermeture au moment où la mer commence à descendre. Sans doute, une longue suite de quais immédiatement accostables vaudrait mieux que le passage par l’écluse et le séjour dans les bassins. Mais nous n’avons ici ni l’Escaut, ni la Meuse, ni la Mersey, ni la Tamise, et ce sera toujours pour le Havre une infériorité de n’être pas situé sur un fleuve profond et facilement navigable.

Cet avantage, Rouen le possède : mais son éloignement de la mer, et surtout l’impossibilité d’ouvrir d’ici longtemps la Seine maritime aux navires de 8 mètres empêcheront d’utiliser pour recevoir ceux-ci le bel alignement de ses quais, fort comparables, toutes proportions gardées, à ceux de Rotterdam et d’Anvers. — Ce que Rouen demande, ce que, hâtons-nous de le dire, personne ne lui refuse, c’est une route sûre et relativement facile pour les cargo-boats de 6 m ,50 à 7 mètres. Tous les ingénieurs s’accordent à reconnaître que le procédé à employer consiste à prolonger, en les évasant progressivement, les digues actuelles ; on s’entend moins sur ce que sera ce prolongement : — Suivant quelle règle évasera-t-on ? Prolongera-t-on jusqu’au seuil même de l’estuaire, jusqu’à la hauteur du Hoc du côté du Havre, de Villerville de l’autre ? Ne serait-ce pas réduire encore et d’une quantité notable l’atelier où le courant du Calvados voudrait toujours apporter ses alluvions ? Découragé d’un transport inutile, de plus en plus troublé en ses allures, celui-ci ne va-t-il pas se débarrasser trop tôt de son fardeau, ensabler, plus qu’elles ne le sont déjà, les plages recherchées de Trouville et de Dauville ? N’ira-t-il pas, du surplus, augmenter encore les bancs de la baie de Seine, rendre la passe Sud-Ouest actuelle du Havre complètement inaccessible ? C’est ce que redoutent les plus sages. D’après eux, il suffit, pour le moment, de s’arrêter à Honfleur. La solution n’est pas définitive, sans doute. Mais les quelques kilomètres de l’aval qui ne seront point endigués subiront l’influence régulatrice du jusant sortant