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IV

Pour que le Havre devienne le rival de Liverpool et de Londres, d’Anvers, de Rotterdam ou de Cuxhaven, pour qu’il puisse disputer à tous ces ports l’honneur et le profit d’être une des grandes portes par lesquelles notre vieux continent demeurera en relations avec le reste de l’univers, il faut — condition absolument nécessaire — que les navires calant 8 mètres puissent y pénétrer à toute heure de marée, y accoster sans retard et sans peine des quais pourvus d’un outillage suffisant à opérer, dans le moins de temps possible, toutes les manutentions nécessaires. C’était lace que poursuivait le projet primitivement soumis aux Chambres. Prévoyant l’avenir, il comportait, pris sur la rade, un vaste avant-port, déjà déclaré nécessaire en 1841 par Arago, et, dans l’intérieur de cet avant-port, des quais toujours accostables ; puis, l’entrée du port rectifiée, tournée vers les passes d’accès du nord, enfin le creusement de nouveaux bassins, l’approfondissement des anciens, et des écluses doubles au lieu des portes simples, dangereuses et insuffisantes. Mais surtout, par la disposition de l’avant-port et le prolongement des digues de la Seine, ce vaste projet se préoccupait d’isoler le port du Havre, de le soustraire complètement aux menaces venues de l’estuaire. La Chambre, malgré les appréhensions des protectionnistes, s’était laissé entraîner par des voix éloquentes et convaincues, elle avait volé ce projet, complet autant qu’efficace. Mais le Sénat, ménager d’une situation budgétaire qui de jour en jour devient plus précaire, s’effraya des millions qu’il fallait dépenser. Devant sa résistance, il fallut en rabattre, avoir des visées moins hautes, et, renonçant aux longs espoirs, n’envisager que l’avenir prochain : c’est ce qui a été fait dans le nouveau projet. Les travaux que le Sénat vient enfin d’approuver sont d’ordre plus modeste que ceux primitivement étudiés. Pour le moment, cependant, ils paraissent devoir suffire et il sera sage de s’en contenter. Ils ont d’ailleurs l’avantage de ne rien empêcher de ce qu’on voudra sans doute faire quand il sera permis, — si cela arrive jamais, — de faire œuvre grandiose.

Ces travaux consistent essentiellement dans la construction en avant du port actuel d’une enceinte avancée, réduction en quelque sorte du grand avant-port du projet primitif. L’entrée, large de 200 mètres, en sera orientée vers le nord-ouest, loin, par conséquent, des alluvions de la Seine. On y accédera du large par deux passes draguées dans les fonds naturels. Celle du nord aura par les plus petites hautes mers une profondeur de 9m,90, et encore 3m,75 aux basses mers de morte eau. — Les navires