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souvent inquiétante. C’est un dangereux voisinage pour la passe Sud-Ouest et l’entrée même du Havre, surtout quand, — comme cela a eu lieu notamment en 1882 et 1883, — le principal courant de jusant vient à se diriger vers Amfard et Le Hoc, c’est-à-dire, dans le voisinage immédiat du Havre. Les tempêtes du nord-ouest ont, heureusement, jusqu’ici, fait, en temps utile, rebrousser chemin à ces menaçantes invasions. Sans ce secours, plus d’une fois, et tout dernièrement encore, le port du Havre était, comme le fut celui de Brouage à la fin du XVIIe siècle, définitivement obstrué. Ne devoir la continuation de son existence qu’à l’opportune et bienveillante intervention de Neptune en fureur est une condition quelque peu misérable et précaire. Les digues, si bienfaisantes à Rouen, devinrent le cauchemar des Havrais. Leurs plaintes furent entendues. Depuis 1870, tout travail d’endiguement a cessé dans la Seine maritime. — Mais s’abstenir n’est pas résoudre. Renseigné par les ingénieurs hydrographes, ces médecins consultans de la mer, le Havre suit d’un œil anxieux la marche menaçante des alluvions ; Rouen, de son côté, s’inquiète de n’avoir, pour commercer avec le monde, qu’un chemin devenu insuffisant. Les deux préoccupations sont légitimes. Sont-elles exclusives l’une de l’autre ? On ne le croit pas. Le Parlement, après dix ans de sollicitations, vient enfin de leur donner une dernière satisfaction. Il n’était que temps.

III

Cependant, de part et d’autre, à Rouen comme au Havre, on s’était outillé en attendant.

Le Havre, prédestiné par sa position géographique à être le port français de la grande navigation transatlantique, a, pendant ce dernier demi-siècle, constitué un outillage d’exploitation qui peut être cité comme un des plus complets et des plus parfaits. Outre son avànt-port dont la superficie est de près de 22 hectares, mais dont la configuration vicieuse ; est une cause de gêne et souvent de danger, le Havre possède aujourd’hui neuf bassins à flot, fermés au moment de la marée descendante par de puissantes portes. Ils offrent aux navires un mouillage permanent, qui de 5<exp>m</exp>, 50 dans l’ancien bassin du Roy, va jusqu’à 9 mètres dans le bassin Bellot, réservé aux grands transatlantiques. La superficie de ces bassins est de près de 74 hectares, bordés de 11 kilomètres de quai. 83 appareils de levage, mâtures, treuils, grues à bras, à vapeur, hydrauliques, appareils fixes, mobiles ou flottans, depuis ceux d’une force de 1500 kilos jusqu’à la grande mâture de la Société des forges et chantiers, capable de soulever un far-