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LA MORALITÉ
DE LA
DOCTRINE ÉVOLUTIVE

Il ne saurait évidemment y avoir de morale sans obligation ni sanction ; — et c’est pourquoi rien ne serait plus vain, ou plus fallacieux, que de vouloir tirer une morale de la science en général, ou de la « doctrine évolutive » en particulier. Nous ne l’essaierons donc point dans les pages qui suivent. Mais, comme les savans eux-mêmes ne raisonnent pas toujours parfaitement juste, j’ai pensé qu’il pourrait être utile de retourner contre les plus affirmatifs d’entre eux les conclusions de leur propre science, ou, si l’on veut, de ruiner, au nom de leur science même, la prétendue philosophie qu’ils s’efforcent aujourd’hui d’en déduire. « Nous lisons dans l’histoire sainte que le roi de Samarie ayant voulu bâtir une place forte qui tenait en crainte et en alarmes toutes les villes du roi de Judée, ce prince assembla son peuple, et fit un tel effort contre l’ennemi que non seulement il ruina cette forteresse, mais qu’il en fit servir les matériaux pour construire deux grandes citadelles par lesquelles il fortifia sa frontière… » C’est le début superbe et hardi du second sermon de Bossuet sur la Providence, et, — n’étant pas de ceux qui ornent leurs discours de comparaisons superflues, — l’orateur continue en ces termes : « Je médite aujourd’hui, messieurs, quelque chose de semblable, et dans cet exercice pacifique je me propose l’exemple de cette entreprise militaire. » Imitons-le à notre tour : et, de toutes les philosophies qui s’autorisent de la science, puisque l’évolutionnisme est sans doute « la plus avancée », montrons que la véritable