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notre Espagne, qu’on la réveille, comme les morts de l’Évangile, en l’appelant. Elle répond toujours : partout où sont prêchées des missions, l’ancienne Espagne reparaît, et s’étonne elle-même d’avoir si longtemps dormi. Nous assistons, cela est certain, à un mouvement de réformes. Nos évêques, dont plusieurs, vous le savez, sont des hommes remarquables, ont commencé, comme ils devaient le faire, par modifier l’éducation des clercs. Ils suppriment, l’un après l’autre, la carrera brève. Ils établissent des retraites ecclésiastiques. Ils brisent, peu à peu, la routine. Le Pape, de son côté, a fondé récemment à Rome un collège de clercs espagnols. On peut dire que l’Espagne religieuse est en train de se refaire, mais il y faudra le temps, et vous jugerez vous-même que le mal est encore sérieux. »

Tout cela, et d’autres traits, d’autres exemples, repassaient dans mon esprit, tandis que la prière s’élevait là-bas, entendue de deux pauvres de Grenade et d’un étranger que le hasard avait conduit. Elle s’acheva dans les ténèbres, comme elle avait débuté. Le prêtre s’éloigna. J’écoutai le bruit sourd de ses pas sur les dalles, puis le glissement des manteaux et des espadrilles tout près de moi. Une à une les lampes s’éteignirent, et il n’y avait plus, lorsque je partis, qu’une seule étincelle vivante, dans un bas-côté de la pauvre église.


AU GÉNÉRALIFE


19 octobre.

Grenade a secoué la pluie d’hier. Un peu d’eau tremble encore et rit au bout des feuilles, dans les jardins du Généralife, où nous sommes montés. Les Arabes étaient de grands jardiniers. L’idée de planter de fleurs et d’arbres cette haute colline, de l’arroser de centaines de petits ruisseaux, pour que la fraîcheur y régnât en toute saison, était une idée heureuse, et celle également de border l’avenue principale de deux haies d’ifs noirs, arbustes impénétrables, dont chacun fait une ombre assez large pour le repos d’un homme, dont la suite régulière ouvre une série de fenêtres sur les deux plus belles vues qu’on puisse contempler, la Sierra Nevada et la campagne de Grenade. Nous étions absolument seuls aujourd’hui au Généralife. Le ciel était bleu; la plaine, avec ses veines et ses reflets, ressemblait aux faïences de cet Alhambra, superbe au-dessous de nous. Alors, nous nous sommes assis, simplement pour vivre là une demi-heure, dans la joie. D’en bas, de quelque sentier invisible, perdu entre les cactus, une voix s’est élevée. Elle était jeune; elle disait : « Je t’aime mieux que ma vie ;