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conservant aux rentes rachetées leur emploi légal, de réserver cependant qu’elles pourraient être ultérieurement annulées par une loi, conformément à l’article 109 de celle du 18 avril 1816.

À l’appui de sa proposition, M. de Mosbourg fit valoir que la dotation annuelle de 40 millions et celle en bois de l’État, bois dont une partie devrait même être vendue avec grand profit pour le Trésor, constituaient une garantie bien suffisante pour assurer le rachat quotidien de la dette et le maintien du crédit public ; d’ailleurs, il ne demandait pas l’annulation immédiate des rentes rachetées depuis 1816, mais il croyait que, en cas de guerre, leur radiation du grand-livre permettrait à l’État de contracter à de meilleures conditions les emprunts qui seraient nécessaires et sans surcharge pour les contribuables. Si au contraire, ajouta M. de Mosbourg, ces rentes étaient comprises d’une façon définitive dans la dotation, non seulement il faudrait accroître les impôts pour payer les intérêts des fonds que le Trésor devrait se procurer, mais ces fonds ne pourraient être obtenus qu’à des prix plus élevés, et pour continuer à éteindre à 4, on s’exposerait à acheter à 5, système ruineux qui avait mis en péril les finances de l’Angleterre, auquel cette puissance avait dû renoncer, et qu’il fallait bien, après un pareil exemple, se garder d’introduire en France.

Il fut répondu par MM. Laffitte et Thiers que, lorsque la dotation de 40 millions avait été votée en 1817, il s’agissait seulement de pourvoir à l’amortissement des rentes existant à cette époque, et de celles qui devaient être créées dans les années suivantes pour solder les engagemens pris envers l’étranger. Mais depuis lors, indépendamment de ces rentes, il en avait été émis 4 millions de nouvelles pour la guerre d’Espagne, 30 millions pour l’indemnité des émigrés, soit ensemble 34 millions représentant un capital nominal de 1 300 millions qu’il fallait nécessairement doter de l’amortissement qui leur manquait. La question était donc seulement de savoir si le supplément de 39 millions proposé était oui ou non trop considérable, et il ne l’était pas trop ; car, plus était élevé le gage offert par l’État à ses créanciers, plus ferme était aussi à son égard la confiance des capitalistes, plus rapide et plus puissant était le rachat, et plus grandissait ‘et se consolidait le crédit public. Sans doute, quelque favorable que fût la situation de la France vis-à-vis de l’étranger, des circonstances pouvaient survenir qui nécessiteraient un appel au crédit ; mais ce serait alors surtout qu’on aurait à se féliciter d’avoir fortifié la puissance de l’amortissement, et les conditions auxquelles pourraient être contractés les nouveaux emprunts seraient d’autant meilleures que son action aurait été plus efficace.

Ces raisons, vivement soutenues par MM. Odier et Jacques