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de détail frappant celles adressées au débitant qui les vend en détail ; 3° le droit d’entrée frappant indistinctement toutes celles qui entrent dans les villes. Le premier atteint la consommation privée, le second celle qui a lieu dans les cabarets, le troisième fait payer aux habitans des villes l’avantage qu’ils peuvent trouver à y vivre. Leur ensemble produisait alors 120 millions. Les deux derniers droits étaient devenus l’objet d’une animadversion générale : dans plusieurs villes, leur perception avait occasionné des troubles sérieux, elle avait même dû y être momentanément suspendue et, pour donner un commencement de satisfaction aux plaintes qu’elle soulevait, une disposition législative spéciale avait déjà substitué la faculté d’abonnement à l’exercice, en faveur des débitans qui en feraient la demande. Mais, une concession sur les tarifs étant non moins vivement réclamée, le gouvernement avait cru devoir la proposer, et la perte annuelle qu’elle devait occasionner au Trésor était évaluée à 40 millions.

La commission, à l’examen de laquelle avait été renvoyé le projet ministériel, avait conclu à son adoption. Mais dans le sein de l’assemblée plusieurs membres, entre autres M. Jollivet, combattirent vivement la réduction des tarifs sur les boissons. Cette réduction était, suivant eux, inopportune, parce que, au sortir d’une révolution qui avait ralenti toutes les transactions, le Trésor ne se trouvait pas en état de faire un sacrifice de 40 millions ; elle était injuste, parce qu’il eût fallu de préférence venir en aide à l’industrie, qui était, en si grande souffrance, par une diminution de droits sur les matières premières ; elle n’était pas morale, parce qu’elle aurait pour résultat d’attirer dans les cabarets les soldats et ouvriers au détriment de la discipline dans l’armée, du bon ordre dans les ateliers et de la concorde dans les familles. Mais producteurs aussi bien que consommateurs croyaient avoir intérêt à une mesure qui, en définitive, ne devait profiter qu’aux cabaretiers, et les uns comme les autres trouvèrent dans la Chambre de vifs défenseurs. Aussi, bien que le gouvernement, par l’organe de M. Laffitte, laissât positivement entendre qu’en proposant un pareil sacrifice, il n’avait fait que céder à des réclamations exagérées, et qu’il serait loin de se considérer comme battu si la Chambre lui refusait son adhésion, l’ensemble du projet de loi fut voté à la majorité de 288 voix contre 16, et la Chambre des pairs l’adopta également sans débat.

Il y avait aussi à régler législativement une question fort importante, celle de l’emploi à donner à la portion restée libre du fonds de l’indemnité. La loi du 27 avril 1825, en affectant 30 millions de rentes 3 0/0 à indemniser les émigrés dont les