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entraîner les placemens à la grosse aventure, tandis qu’en Allemagne la petite épargne, qui s’était engouée des fonds helléniques, a trouvé là son Panama. Dernier point à noter : certains pays ont placé hors de chez eux la totalité de leurs emprunts. Le jour où un malheur arrive, l’étranger seul est atteint. Pour la Grèce, le cas est différent. Non seulement les maisons grecques de Londres et de Marseille, de Constantinople et de Smyrne, se sont engagées plus ou moins dans les fonds helléniques et participent aux pertes des autres créanciers ; mais dans l’intérieur même du pays, les conséquences de la faillite se sont fait cruellement sentir ; la fortune des hôpitaux, des établissemens de bienfaisance, de diverses autres institutions d’utilité publique était placée en fonds helléniques.

L’attitude cassante prise par le gouvernement hellénique à l’égard de ses créanciers sous le ministère de M. Tricoupi a créé contre la bonne foi de la Grèce, en matière financière, une prévention défavorable, dont on aura quelque peine à revenir, en Occident. Ce n’est d’ailleurs un secret pour personne que M. Tricoupi était loin d’être persona grata pour quelques-uns des hommes qui, à l’étranger ou même en Grèce, étaient en mesure d’exercer une influence sur les décisions des créanciers. La disparition d’un premier ministre qu’ils regardaient à tort ou à raison comme un adversaire et qu’ils traitaient en conséquence rendra sans doute plus facile la reprise des négociations. Son adversaire, M. Théodore Delyanni, n’est pas tout d’une pièce comme lui. Ce ; n’est pas un doctrinaire ; ce n’est pas l’homme des Non possumus. Déjà, dans le discours-programme qu’il a prononcé ‘au cours d’une tournée électorale en Thessalie, il a fait, sur un point important, des déclarations qui peuvent être regardées comme une concession aux créanciers. Il reconnaît qu’il serait juste de leur réserver une part dans les plus-values éventuelles de certains impôts. Il y a là une base sur laquelle on pourrait reprendre les négociations. Toutefois il faudrait préciser davantage ce qu’on entend offrir aux créanciers. Quand on a été aussi maltraité que les porteurs de fonds helléniques, on devient déliant et l’on demande autre chose que de bonnes paroles.

Ceux qui ne croient pas à la bonne foi de la Grèce ne font pas de différence entre les deux hommes. Pour eux, la raideur de M. Tricoupi et la bonne grâce de M. Théodore Delyanni se valent, c’est-à-dire que l’une et l’autre ne valent rien. Ils sont convaincus que la Grèce a la volonté bien arrêtée de se jouer de ses créanciers.

J’ai une impression contraire, et voici sur quoi je me fonde :