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polytechnique MM. Henni le et Bertrand, M. Plessis à la faculté des lettres et M. Brunetière à la presse périodique. Nous respectons nos pères ; nous sommes fiers de notre passé, mais nous n’en sommes pas les esclaves. Nous n’avons pas pour nos anciens règlemens une admiration superstitieuse et béate ; mais nous tenons à la continuité ; nous n’aimons pas les révolutions et nous nous défions même de certaines réformes. L’Ecole est un mécanisme élastique et délicat qui se perfectionne de lui-même, et qui, par une suite de retouches légères, s’adapte avec souplesse aux conditions changeantes du milieu. Elle a su, sans presque rien modifier, en apparence, à son régime et à ses programmes, obéir à l’esprit du temps, profiter de tous les exemples utiles qui lui ont été donnés, s’approprier toute méthode sûre et toute doctrine qui a un caractère vraiment positif et scientifique.

Un autre principe de l’Ecole, c’est que tous ceux qui y ont une part quelconque de l’autorité s’y emploient, par l’observation et par le conseil, à tourner chacun de ces jeunes gens vers la voie où il aura chance de réussir le mieux et de rendre le plus de services. Ces vocations, les deviner, encore incertaines et défiantes d’elles-mêmes, les aider, par de longs entretiens, à se dessiner et à s’affermir plus tard, les aider à aboutir, c’est le principal souci du directeur et des collègues qui le secondent, MM. Vidal de Lablache et Tannery. Ils trouvent là, dans la confiance qu’on leur témoigne et dans l’heureux essor des forces qu’ils aident à se développer, leur plus chère récompense, ce qui les dédommage le mieux du temps qu’ils sacrifient et du retard apporté à l’achèvement de leurs propres travaux.

Le régime de l’internat contribue singulièrement à resserrer ces relations, à leur donner, d’élève à directeur comme d’élève à élève, un caractère d’intimité que l’on aura peine, avec la meilleure volonté du monde, à transporter ailleurs. Vivre sous le même toit est autre chose que se rencontrer, une ou deux fois par semaine, à l’issue d’un cours, ou causer quelques minutes, le jour où le directeur d’études, comme on dit dans les Facultés, donne audience à son peuple. Ceci est encore plus vrai des rapports qu’entretiennent entre eux les élèves. Est-il Association d’étudians, là même où ces Associations ont réussi, qui établisse un contact aussi continu et aussi fécond entre de jeunes esprits, tout bouillonnans de sève et d’idées, toujours prêts à la question, à la confidence, aux mutuels épanchemens ? On discute, on se dispute quelquefois ; mais quand on s’est bien tâté, quand l’on se sent en accord de goûts et de pensées, comme l’on s’aime, et pour toujours ! Il est bien peu d’entre nous qui, de leur séjour à