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nous, et je dirai presque contre nous, que s’étaient développées les études romanes. Aujourd’hui nous sommes descendus dans ce nouveau champ d’études et nous y avons marqué notre trace. M. Gaston Paris compte parmi ses meilleurs élèves MM. Brunot, Jeanroy et Bédier, qui sont déjà des maîtres. On a reproché jadis aux universitaires de ne considérer les anciens que comme des modèles du bien dire, de ne lire les auteurs que pour en faire admirer, suivant l’expression consacrée, les beautés ; si on ne les traitait pas de purs rhéteurs, tout ce que l’on voulait bien leur accorder, c’était le mérite d’être d’excellens professeurs de rhétorique. Or deux sciences sont nées, depuis un siècle, qui ont étudié l’antiquité dans ses institutions et dans les monumens de son génie plastique ; elles en ont ainsi renouvelé la connaissance. Il y a, au Collège de France, deux chaires d’épigraphie : l’une pour la Grèce et l’autre pour Rome ; elles sont occupées par deux des nôtres : MM. Foucart et Gagnât. Il en est de même pour la description et l’interprétation des monumens de l’art antique. Beulé et Rayet ont professé l’archéologie dans la chaire qui a longtemps existé près le Cabinet des antiques de la Bibliothèque nationale. Lorsque M. Wallon, alors ministre, a décidé d’introduire cet enseignement dans nos facultés des lettres, la première chaire d’archéologie qui y ait été fondée a eu pour titulaire celui qui ne l’a abandonnée, non sans regret, que pour donner, à l’Ecole quelques années de sa vie. Un de ses élèves, M. Collignon, l’y a remplacé ; son Histoire de la sculpture grecque n’a pas moins réussi à l’étranger qu’en France. C’est à des normaliens, anciens membres de l’Ecole d’Athènes, MM. Paris, Lechat, Fougère, qu’ont été confiés les cours du même genre qui ont été établis dans plusieurs de nos grandes villes de province. La part principale nous revient dans le rapide essor que l’archéologie classique a pris en France depuis une vingtaine d’années. Notre action s’exerce aussi dans les Musées, qui auraient intérêt à nous faire une place encore plus large dans leur recrutement. Je n’ai pas à rappeler ici quels services M. Heuzey a rendus au Louvre, où il a auprès de lui, tous animés du même zèle, de jeunes camarades, MM. Pottier, Jamot et Michon. M. Alexandre Bertrand a été le vrai fondateur du musée de Saint-Germain. Lui et son ardent collaborateur, M. Salomon Reinach, ont coordonné les résultats obtenus dans une province de la science où les travailleurs avaient souvent, jusqu’alors, manqué de prudence et de critique. C’est surtout grâce à eux que la préhistoire, comme on dit, est devenue une véritable histoire et que nous avons commencé à voir clair dans les ombres de nos origines celtiques et gauloises.