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On y était poussé et aidé par son nouveau chef, Ernest Bersot. J’étais alors son collaborateur ; je n’ai pas connu d’homme qui ait mieux aimé la France, d’un amour à la fois plus intelligent et plus éclairé ; je n’en sais pas non plus qui ait plus sûrement trouvé le chemin de l’esprit et du cœur de la jeunesse, qui ait plus impérieusement régné par la persuasion.

Sans se distraire de son application à l’étude, l’École ne pouvait rester indifférente aux grandes questions qui se discutaient alors, sous toutes les formes, dans le pays encore incertain de sa destinée. Son directeur, ami particulier de M. Thiers, avait toute la confiance des chefs du parti républicain, Gambetta et Jules Ferry. Comme lui, nos élèves eurent vite compris que l’avenir n’était pas dans le retour au passé. L’histoire leur avait appris ce que valent et ce que durent les restaurations, à quelles fautes elles sont fatalement condamnées, avec quelle rapidité elles épuisent leur fortune. On ne s’exagéra donc pas, à l’École, les chances des réactions passagères du 24 et du 16 mai ; mais, surtout pendant la seconde de ces périodes, on y éprouva quelque émotion. M. Bersot, disait-on, allait être destitué. Le péril passa ; tout ce qui restait de ces vaines provocations, c’était du temps perdu et la semence jetée de longues rancunes.

Avant comme après ces incidens, l’École ne cessa pas de s’intéresser aux efforts des hommes d’État qui, au milieu de mille difficultés, travaillaient à fonder la République, et, là où son concours pouvait être le plus utile, elle le donna tout cordial et vraiment efficace. Quand il s’agit de développer l’instruction à tous ses degrés, depuis l’école primaire jusqu’à ces universités qui n’attendent plus que leur nom, Jules Ferry et les autres ministres qui se sont voués à cette tâche trouvèrent dans nos rangs leurs coopérateurs les plus dévoués et, entre autres, quelques-uns de ceux qui, grâce à la largeur de leurs vues et à leur patiente ténacité, ont eu, dans ces réformes et ces créations, leur part notable d’initiative et d’action personnelle. Nous ne saurions ici embrasser toute l’œuvre ni citer tous les noms ; il nous suffira de rappeler le rôle qu’ont joué MM. Albert Dumont et Liard dans la transformation de l’enseignement supérieur et dans la suite ininterrompue de ses progrès.

Cette collaboration incessante et ces services rendus, la République les a, depuis vingt-cinq ans, généreusement récompensés. Elle nous a toujours témoigné, par la voix de ses représentons les plus autorisés, les égards auxquels croit avoir droit notre grand âge et notre légitime fierté ; mais elle a fait plus : elle n’a pas balancé à délier pour nous les cordons de sa bourse. Nous