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ses organisateurs, l’Ecole de la Convention n’était pas tombée dans l’oubli, même après quinze ans écoulés. L’impression que les contemporains avaient reçue du spectacle de ce Congrès et du retentissement de ces grandes voix ne s’était pas effacée de sitôt ; elle avait été profonde et durable. C’est sur le rapport de Daunou qu’avait été décidée la brusque clôture de l’Ecole. Daunou signale avec insistance toutes les fautes commises ; mais il n’en reconnaît pas moins qu’il y a eu profit à réunir, dans la capitale, tous ces hommes studieux qui, jusqu’alors, n’avaient point quitté la province. « On peut dire, écrit-il, qu’ils ont aperçu un horizon plus vaste, éprouvé des sensations plus profondes, conçu des pensées plus fortes et plus étendues. Si, de toutes ces causes, il n’est pas résulté une direction assez sûre vers un but assez bien fixé, au moins est-il incontestable qu’un grand mouvement salutaire, bien qu’indécis, a été imprimé à l’instruction. » Quelques années plus tard, c’est Biot qui, dans son Essai sur l’histoire générale des sciences pendant la Révolution française, compare l’École normale de l’an III à une « vaste colonne de lumière qui, sortie tout à coup du milieu de ce pays désolé, s’éleva si haut, que son éclat immense put couvrir la France entière et éclairer l’avenir. »

Ce souvenir fut entretenu et ravivé par la lecture du recueil où étaient réunies les leçons des professeurs de l’Ecole. Il avait commencé de paraître, par livraisons, pendant que se donnaient les cours ; il eut assez de succès pour être deux fois réimprimé, en 1800 et 1808[1]. La troisième édition parut donc peu de temps après le décret qui fut comme la charte constitutive de l’Université. Un court avertissement est placé en tête du premier volume. On y explique et on y justifie la pensée de la Convention ; puis on termine ainsi : « Tels furent sans doute les motifs particuliers qui concoururent à l’établissement de l’Ecole normale et qui viennent de déterminer le gouvernement à rétablir cette École et à ouvrir auprès de l’Université impériale un pensionnat normal. » Il est aisé de comprendre que ce rapprochement se soit présenté à l’esprit de l’auteur anonyme ; la plupart des hommes qui concoururent à l’élaboration du plan dont faisait partie le pensionnat normal avaient appartenu, soit comme maîtres, soit comme élèves,

  1. La première édition est presque introuvable. La seconde est une réimpression pure et simple de la première, sauf qu’elle contient en plus quelques leçons non encore publiées. Elle a pour titre : Séances des Écoles normales, recueillies par des sténographes et revues par les professeurs. Nouvelle édition. Paris, imprimerie du Cercle social (1800). An IX de la République française. Il y a dix volumes in-8o pour les Séances et trois pour les Débats.