l’improviste dans les bars et dans les saloons, se jetant à genoux, adjurant les ivrognes ou les accablant d’anathèmes. Leurs agissemens rappelaient ceux de l’armée du Salut ; ils leur attirèrent le titre de shriekers (braillardes). Avec elles point de compromis : ceux qui avaient le malheur d’arguer que la tempérance n’est pas l’abstinence passaient pour des traîtres. Toutes les sectes naissantes sont fanatiques ; peu à peu, cependant, les braillardes s’apaisèrent, ou plutôt elles firent place à de nouvelles venues, qui pratiquaient l’art d’exhorter avec calme et avec mesure. L’une de celles-ci, Mrs Mary Hunt, professeur de chimie dans un collège de l’Est, fut conduite par la sollicitude que lui inspirait l’éducation de son fils à étudier les effets de l’alcool sur le système humain : cette recherche la remplit d’inquiétude pour l’avenir d’une nation qui consomme une quantité si scandaleuse de liqueurs fortes ; elle en vint à conclure que les arrêts de la morale ne pouvaient à eux seuls servir de frein, que l’ivrognerie persisterait tant que le peuple ne serait pas instruit de la valeur réelle et des effets certains du poison dont il s’abreuvait. À son instigation, un manuel rédigé par miss J. Coleman fut introduit dans plusieurs écoles publiques, mais c’est au meeting de l’union chrétienne de tempérance des femmes, qui eut lieu en 1878, qu’il faut attribuer l’honneur d’avoir formulé d’énergiques résolu lions que fit prévaloir ensuite un comité permanent présidé par Mrs Hunt. Boston se mit à la tête de la croisade ; le clergé, les professeurs, les philanthropes, les médecins s’y enrôlèrent. Des livres pour tous les âges, depuis un abécédaire spécial, Child’s health primer, jusqu’à la Physiologie hygiénique de Steele, furent publiés, et en 1882 l’État de Vermont promulgua la loi éducationnelle obligatoire de tempérance qui ajoutait, aux branches du savoir enseigné dans toutes les écoles publiques, un cours d’hygiène et de physiologie élémentaires où l’effet des boissons alcooliques, des narcotiques et des stimulans sur la santé humaine devait être tout particulièrement exposé. Un grand nombre d’États suivirent cet exemple ; maintenant il n’y a guère de petit Américain qui, avant même de savoir lire couramment, ne connaisse les effets désastreux des boissons fermentées et ne soit averti que, — leur usage, même modéré, conduisant immanquablement à l’abus, — un homme soucieux de vivre sain d’esprit et de corps doit s’en abstenir tout à fait, ainsi que de cet autre poison : le tabac. Donc, point de vin, point de cidre, point d’alcool sous aucune forme. La rigueur de la loi est proportionnée, on le voit, à l’excès du mal.
L’importance des résultats obtenus par tel ou tel mouvement