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petits soutiens, mais ceux-ci ne sont nullement destinés à communiquer à la chaîne des impulsions successives comme dans le règlement de 1884. Ces soutiens sont de simples renforts, ils n’ont d’autre rôle que de parer aux incidens de la lutte, de réparer les pertes, de fermer les vides qui peuvent se produire dans la chaîne ; ils n’ont pas de rôle propre. Ils suivent donc la chaîne du mieux qu’ils peuvent, en se dissimulant et en s’abritant le plus longtemps possible, puis au moment opportun ils la renforcent en s’y intercalant sans fracas et en évitant les pertes inutiles.

Derrière cette chaîne de tirailleurs, aussi dense que possible, aussi rapprochée de l’adversaire que le terrain le permet, derrière cette ligne de feu tout entière destinée à la préparation du choc, se place directement et sans échelon intermédiaire la ligne d’exécution.

Cette seconde ligne sera composée de colonnes petites et légères, mais bien compactes cependant, et suffisantes pour produire le choc.

De quoi s’agit-il après tout ?

De faire brèche dans la ligne de défense, puis de monter sur la brèche.

Faire brèche c’est affaire aux tirailleurs ; y monter sera la tâche des colonnes d’assaut.

Ces colonnes seront petites. Il faut qu’elles puissent suivre la chaîne en échappant autant que possible aux vues et aux coups, se mouvoir avec rapidité et aisance, et profiter des moindres abris ; il faut qu’elles soient dans la main du chef, obéissent à sa voix et à son exemple. Elles seront nombreuses, afin de diviser l’attention et les feux de l’ennemi, frapper son imagination et le faire hésiter au moment décisif.

La colonne de compagnie répond à merveille à ces exigences. Elle est forte — en pratique — de 200 hommes au plus. Elle possède une force de choc suffisante, elle est bien dans la main de son chef. Il n’est guère de terrain cependant où elle ne puisse cheminer longtemps à peu près à l’abri des vues sinon des coups. Une ligne de colonnes de compagnie suivra donc la chaîne, et la suivra d’aussi près que possible. Il est impossible de fixer une distance, toute indication à cet égard serait arbitraire et chimérique. De même que la chaîne des tirailleurs est loin de présenter une ligne régulière et pleine, de même les colonnes de compagnie qui la suivront seront très inégalement réparties et espacées sur le terrain. Il y aura des points où elles pourront arriver et s’abriter à 50 mètres des tirailleurs, et d’autres où, pour éviter les balles qui passeraient par-dessus les tirailleurs, elles seront obligées de s’en tenir à 200 ou 300 mètres.