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XI

Le règlement de 1884 avait donc replacé la question sur son vrai terrain en voulant revenir au choc malgré la puissance du feu, mais il avait fait fausse route en cherchant à y parvenir par une série d’impulsions successives produites par des échelons placés d’avance les uns derrière les autres, auxquels était ainsi dévolu d’avance un rôle spécial dans le développement du combat.

On ne tarda pas à s’en apercevoir. Les objections que nous avons esquissées plus haut sur le fonctionnement régulier de la « formation normale de combat », sur le peu de flexibilité de ce mécanisme compliqué, sur l’inefficacité des moyens prescrits pour aboutir au résultat, se présentèrent assez vite aux esprits. Après comme avant le règlement de 1884, le problème restait entier : par quels procédés maintenir l’impulsion en avant pour aboutir au choc ?

C’est de ce problème que le règlement de 1894 vient de donner une solution nouvelle.

Comment donc ce règlement nouveau supplée-t-il à l’action impulsive des soutiens ? par quoi les remplace-t-il ?

Oh ! tout simplement : le règlement nouveau ne les remplace pas, il les supprime.

Le combat paraît avoir été envisagé par les inspirateurs du règlement nouveau sons un aspect beaucoup plus simple, plus réaliste, que par leurs devanciers. Ils ont dissipé les brouillards dont l’enveloppait l’ancienne théorie réglementaire, et par suite éliminé sans hésitation les chinoiseries dont elle en entourait l’exécution.

Rien de plus net que l’image qu’ils présentent du combat, rien de plus simple que les moyens qu’ils préconisent pour en surmonter les difficultés.

Aussitôt que l’action décisive s’engage, le bataillon lance ses tirailleurs en avant. Ce ne sont pas quelques tirailleurs isolés dont la chaîne doive être progressivement renforcée au cours de la lutte, mais bien, dès le début, une nuée épaisse et serrée de tirailleurs. Ceux-ci n’ont, en réalité, qu’une mission fort simple : s’approcher de l’ennemi aussi près que possible et le fusiller aussi violemment que possible. Pour la remplir, ils se glissent sur le terrain comme ils le peuvent. Ils mettent à profit les moindres abris, les plus légères déclivités du sol, marchent, courent, rampent et parviennent ainsi assez rapidement, et par leur propre élan, à s’établir au pied du glacis de la position ennemie.

Ces tirailleurs peuvent être, il est vrai, suivis de quelques