Le Chambre a enfin voté le budget ; elle s’en est dessaisie ; elle l’a renvoyé au Sénat, et celui-ci en commencera la discussion le 1er avril. Mais certainement le budget reviendra du Luxembourg au Palais-Bourbon, car le Sénat ne peut pas l’accepter tel quel. En effet, en sortant des délibérations de la Chambre, il n’était pas en équilibre : il y avait, entre les dépenses et les recettes, un écart de plusieurs centaines de mille francs. Jalouse de ses droits financiers comme elle l’est, la Chambre a fait une imprudence en renvoyant au Sénat un budget aussi mal conformé. Les journaux radicaux le reconnaissent aujourd’hui et en gémissent : c’est « une forte gaffe, » disent-ils dans le style qui leur est propre. Toutefois, si la « gaffe » a été commise, ce n’est pas la faute du rapporteur général du budget. Dans tout le cours de la discussion, M. Cochery n’a pas cessé d’avertir ses collègues, qu’en augmentant étourdiment les dépenses sans augmenter les recettes d’une quantité égale, ils s’exposaient à compromettre l’équilibre déjà très instable et un peu artificiel qui avait été établi entre les unes et les autres. On ne l’a pas écouté, on en voit aujourd’hui les conséquences. Quelles que soient les prétentions de la Chambre, qui veut toujours avoir le dernier mot en matière de finances comme elle a le premier, il est difficile de refuser au Sénat le droit de remettre le budget en équilibre, lorsqu’il ne l’est pas. Le Sénat se sent donc sur un bon terrain, et il en profite. Il a diminué un certain nombre de crédits : sur ce point, on n’ose pas trop lui chercher chicane ; mais il en a augmenté quelques autres, notamment celui qui se rapporte à l’entretien du pavage de la ville de Paris, et c’est là-dessus que la résistance se prépare. Peut-être serait-elle plus énergique s’il s’agissait d’un autre objet. Les radicaux, ici, se sentent embarrassés. Les députés de Paris, qui ne sont point parmi eux une quantité négligeable, ne peuvent pas repousser l’argent qu’on leur offre. Ils sont pris entre leurs scrupules de conscience et l’intérêt de leurs électeurs, sans que l’on sache encore lequel de ces deux sentimens finira par l’emporter : ce sera sans doute le dernier. On cherche une formule qui contienne en