les traditions s’accordent en effet à parler d’un peuple migrateur qui aurait été maître de la mer avant les Syriens et les Phéniciens. Et toutes s’accordent à décrire cette race sous les mêmes traits essentiels. Il n’en fallait pas davantage pour admettre, tout au moins comme une hypothèse, que c’est une seule et même race que la tradition grecque appelait les Pélasges, et la tradition orientale, les Héthéens. Mais cette hypothèse s’est encore trouvée confirmée par l’existence de monumens pareils dans les pays jadis habités par les Pélasges et dans ceux où ont demeuré des peuplades héthéennes, par la similitude des mythes classiques et des mythes orientaux, et par ce fait que les noms de lieux, dans les régions occupées par les Pélasges, portent la trace d’étymologies héthéennes, et vice versa.
Tels sont du moins les divers argumens développés par le P. de Cara, avec une ingéniosité, et une discrétion, et une richesse de preuves admirables. Ses considérations sur l’art des Héthéo-Pélasges, en particulier, témoignent d’un sens critique très fin et très expérimenté. Il soutient sur ce point une opinion contraire à celle de M. Georges Perrot, qui voyait dans l’art de ces peuples une imitation attardée de l’art d’autres races orientales. Sortis de la même souche que les deux autres grandes branches de la famille chamitique, les Égyptiens et les Chaldéens, les Hethéens auraient, d’après le P. de Cara, possédé au même moment que ces deux nations parentes un art naturel. Les ressemblances que l’on constate entre l’art héthéen et celui de l’Egypte et de la Chaldée viennent non point d’une imitation, mais d’une origine commune.
Vivement combattue par les défenseurs du parti antitraditionnaliste, la théorie du P. de Cara paraît cependant recevoir de divers côtés des confirmations éclatantes. C’est ainsi que, dans une livraison récente de la Nuova Antologia, le professeur Sergi affirmait avoir constaté chez certaines races européennes du bassin de la Méditerranée un type qui n’était ni sémitique ni aryen, et qui se retrouvait également chez les Abyssins, les Égyptiens et d’autres races africaines. Mais je n’ai pas autorité pour m’engager à fond dans ces graves sujets. Je voulais seulement signaler des études que je laisse à d’autres le soin de juger, et indiquer en même temps les motifs qui portent les archéologues italiens à solliciter avec tant d’instances l’organisation de fouilles analogues à celles de Schliemann. Il s’agit pour eux de savoir si l’on ne trouverait pas en Italie, comme en Asie Mineure et en Grèce, toute une série de monumens datant de cette civilisation primitive et capables de trancher le débat entre les adversaires elles partisans de la tradition. Et pour ces derniers, pour le P. de Cara et M. Mariani, il s’agit en outre de compléter, par une étude des Pélasges italiens, leur connaissance de la grande race chamitique des Héthéo-Pélasges. Mais