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mouvoir dans des limites bien étroites, et n’a guère de chances d’obtenir plus que ce que la loi française elle-même exige en retour du tarif minimum, à savoir l’application des tarifs les plus réduits.

Les Allemands, dans les traités qu’ils ont signés avec l’Autriche-Hongrie, l’Italie, la Suisse et la Belgique, c’est-à-dire le groupe qui a bénéficié en premier lieu des dispositions nouvelles du gouvernement impérial, ont cherché avec beaucoup d’habileté à se concilier l’opinion de ces pays au moyen de concessions nombreuses, mais de médiocre importance, et à éluder le plus possible vis-à-vis de nous les effets de la clause de la nation la plus favorisée. Cette clause, inscrite dans le traité de Francfort, nous donne en effet le droit de réclamer pour nos produits tous les avantages consentis par l’Allemagne à une nation quelconque. Mais, grâce au vague de son tarif général et à la spécialisation minutieuse avec laquelle elle a eu soin de décrire un certain nombre des produits autrichiens, italiens, suisses ou belges auxquels elle accordait des diminutions de droits, nous ne pouvons pas nous en prévaloir, parce que nous ne lui envoyons pas d’articles exactement identiques.

Quel qu’ait été l’effet au point de vue des industries particulières de ces oscillations de la politique douanière de l’Allemagne, les recettes que l’Empire a encaissées de ce chef n’ont cessé de suivre jusque dans les derniers temps une marche ascendante ; elles fournissent encore, malgré un certain recul survenu depuis 1892, un chiffre plus que triple de celui qu’elles donnaient en 1874. Nous avons trouvé l’explication de cette progression dans la politique protectionniste, brusquement substituée à celle du libre échange ou des traités de commerce très libéraux d’autrefois. Si l’Allemagne a conclu de nouveau des arrangemens avec nombre de puissances, ses tarifs conventionnels restent encore élevés sur la plupart des articles.

Tabac. — Le second chapitre des recettes du budget impérial consiste en une maigre somme de 11 millions fournie par le tabac. Celui-ci n’a pas encore donné à l’Allemagne des ressources comparables à celles qu’en tirent d’autres pays, la France par exemple. Une faible taxe frappait autrefois les plants de tabac en Prusse. Elle fut, en 1867, étendue à un certain nombre d’autres États de la confédération. En 1879 intervint une transformation radicale qui remplaça l’impôt sur la plante par l’impôt sur la matière (Malertal Steuer). Les tendances particularistes et aussi les habitudes du public, accoutumé au bon marché de cette denrée, s’opposèrent dès lors à l’établissement du monopole, et même à l’impôt sur la fabrication qu’on essaie de nouveau d’introduire aujourd’hui.