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sera nommé par l’ambassadeur, et que les quatre députés désignés, selon le testament de M. de Savreulx, pour veiller à l’administration de l’hôpital, seront pris parmi les Français les plus distingués qui soient à Madrid.

Une autre œuvre est due à l’Alliance française. La Société française de bienfaisance, d’assistance mutuelle et d’enseignement de Madrid possède aujourd’hui sa maison, son école primaire de garçons, où sont instruits de 130 à 140 enfans, en majorité espagnols, et qui contribue puissamment, avec l’école de filles dont j’ai parlé, à répandre la langue française en Espagne. J’ai relevé, dans le dernier compte rendu, ce fait assez éloquent que, sur 28 boursiers de la Société, 14 étaient Français et 14 Espagnols.

Il y aurait un bien joli et bien touchant livre à écrire sur nos fondations à l’étranger. L’histoire en est presque partout intéressante. Et puis, comme ce serait doux de voir vivre cette France du dehors, réduite souvent à quelques poignées d’hommes, mais unis, sentant bien la nécessité, sous l’œil de l’étranger, de ne pas se diviser, et faisant tous effort, avec peu de ressources, pour garder à la chère patrie lointaine son vieux renom de nation très puissante, très juste et très aumônière.


IV. — L’ESCORIAL

Tous les Guides laissent entendre que l’excursion peut se faire, de Madrid, en une journée. Ils font humainement. Je suis allé à l’Escorial sans enthousiasme, et j’en suis parti avec joie. Non que j’éprouve cette sorte de crainte frelatée qu’affectent certaines personnes au seul nom de Philippe II. « L’atmosphère qu’il a respirée, monsieur ! » Je crois à des temps très différens du nôtre. Mais je crois peu aux monstres, à celui-là un peu moins qu’à d’autres. On Unit par leur trouver un cœur, tôt ou tard. Non, le souvenir du prince qui l’habite n’est pour rien dans l’impression pénible que j’ai ressentie. Elle est attachée au spectacle de toutes les demeures royales ou impériales abandonnées. Ces palais, bâtis uniquement pour l’homme, et pour le plaisir ou l’orgueil de l’homme, ne vivent qu’autant que lui et meurent quand il s’en va. Les forteresses féodales en ruines, les églises à demi détruites, les monastères qui servent de granges ou d’écuries, ont encore une âme. Le grand train d’une cour, les affaires d’Etat, la vieillesse d’un souverain ne laissent qu’un vide immense, impossible à repeupler. Rappelez-vous Versailles.

Le site où est bâti l’Escorial donne, d’ailleurs, à cet ennui, beaucoup de solennité. La montagne espagnole, rude, colorée de grandes taches de bois, d’un vert éteint, enveloppe le