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TERRE D'ESPAGNE

III.[1]
UN DOMAINE SEIGNEURIAL. — AVILA. — MADRID. — L’ESCORIAL. — TOLÈDE


I. — UN DOMAINE SEIGNEURIAL EN ROYAUME DE LÉON


Du 25 au 28 septembre.

Le lendemain. 25 septembre, nous entreprenons, mon ami et moi, une longue expédition, un peu moins glorieuse que celle de D. Christophe, mais d’un succès également incertain, où nous sommes poussés par un certain goût d’aventure. Mon ami est propriétaire d’un domaine de huit mille hectares, dont l’usufruit et la gestion appartiennent à l’une de ses parentes. « C’est le fond de la vieille Espagne, me dit-il, un ancien majorât intact, situé hors des routes, qu’il faut aborder à travers champs, où l’on trouve à peine un morceau de lard à acheter et un lit pour dormir. On peut s’y croire loin de l’Europe, en tous cas loin du XIXe siècle. Voulez-vous venir ? »

Une invitation, dans ces termes, ne pouvait être refusée. Nous allons trouver un gros maître de poste, dont l’énorme poitrine a bu longtemps l’air des grands chemins, et qui est assis sur le seuil de sa porte, paisible, heureux, tenant, à bout de lèvres, une toute mince cigarette, dont la fumée se tord sur ses joues rebondies. Il salue de la tête, sans lever son chapeau de feutre

  1. Voyez la Revue du 1er février et du 1er mars.