la situation regrettable que lui infligeaient ses rapports avec l’ambassade anglaise, situation qui, si elle faisait sa force, le rendait vulnérable, et qu’on lui reprochait de toutes parts. Ce mélange de soumission et d’autorité nuisait à sa considération et troublait cet esprit pourtant fort sagace. Il se défendait au besoin en provoquant des mesures de rigueur, convaincu que l’appui de lord Stratford le mettait à l’abri des menées de ses adversaires. Il avait, pour le poste de grand-vizir, un compétiteur redoutable, Mehemet-Ali-Pacha, beau-frère du Sultan, qui avait déjà exercé ces hautes fonctions. A la suite d’un entretien que Rechid-Pacha eut avec le sultan, Mehemet-Ali fut mandé au palais, dans la nuit, embarqué sur un bateau à vapeur et exilé en Asie. Le Sultan regretta bientôt cet acte de sévérité ou plutôt de faiblesse ; il rappela son beau-frère et garda, de cet incident, un pénible souvenir.
Rechid-Pacha ne se montrait ni moins exigeant, ni moins absolu dans ses relations privées. Voulant pourvoir à l’avenir de ses enfans, il désirait appeler son fils aîné à l’ambassade de Turquie à Paris. Ce poste était alors occupé par Vely-Pacha, fils de l’ancien gouverneur de Candie, Mustapha-Pacha. Ce diplomate avait su mériter la bienveillance de l’empereur et conquérir de nombreuses sympathies. Je fus chargé d’exprimer le vœu qu’on lui conservât les fonctions qu’il remplissait à l’entière satisfaction de son gouvernement et de celui auprès duquel il était accrédité. Rechid-Pacha n’en tint aucun compte, et s’imaginant à tort que Mustapha-Pacha n’était pas étranger à ma démarche, il ne déguisa pas, en frappant le fils, le dessein de sévir contre le père. Mustapha-Pacha fut menacé de l’exil. De sommaires observations, dont je pris l’initiative, le couvrirent contre ce péril. Ne parvenant pas à maîtriser son ressentiment, Rechid-Pacha lui fît un procès, à propos d’un terrain d’une futile importance dont il revendiquait la propriété. Il en dessaisit les tribunaux compétens pour le porter devant le grand conseil de justice, constitué pour connaître les questions contentieuses intéressant l’Etat. Ce conseil dut, à cette occasion et pour une si mince affaire, se réunir à celui du tanzimat, chargé de préparer les réformes sociales et économiques. Ce fut un spectacle lamentable que celui qui fut donné par cette double convocation pour délibérer sur une question de nu-propriété, d’un caractère absolument privé. Rien ne put déterminer le grand-vizir à entrer, avec son compétiteur, dans la voie de la conciliation et de l’arbitrage. Je fis, auprès de lui, des démarches officieuses ; je ne réussis pas à ébranler son obstination.
Ces dispositions intransigeantes me portèrent à penser que