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intérieures à celle qui vient de s’illustrer dans le golfe du Petchili. Sous les ordres du général Nodzu, les Japonais ont attaqué Newchang et s’en sont emparés après une lutte acharnée dans les rues de la ville. 2 000 Chinois ont péri. Aussitôt après, la seconde année a marché sur Ying-Tsu, et a enlevé la place avec une facilité relative. Ying-Tsu est le port de Newchang : il en est éloigné de 44 kilomètres. Les troupes chinoises, chassées vers le nord, se sont trouvées placées entre deux feux. Elles se sont arrêtées à Tientchouang-Taï, à peu près à moitié chemin entre Ying-Tsu et Newchang ; mais, assaillies par les forces japonaises parties de ces deux points, elles n’ont pas tardé à succomber sous une artillerie écrasante. Maîtres de Ying-Tsu, de Tientchouang-Taï, de Newchang, les Japonais le sont de tout le bassin du Liao-Ho, et Moukden, la ville sainte, est sans défense à quelques kilomètres devant eux. Ils pénétreront d’abord à Moukden, et ensuite, dès le commencement du printemps, à Pékin. Dans ces conditions, la nécessité de traiter s’impose avec une telle évidence que le gouvernement chinois a fini par en être frappé. Li-Hung-Tchang part décidément pour le Japon. Le gouvernement japonais se déclare prêt à traiter : toutefois, on ne sait encore rien de ses prétentions. Elles comprendront évidemment l’indépendance de la Corée et le paiement d’une indemnité de guerre qui s’élèvera à un chiffre considérable. On prévoit déjà le cas où la Chine ne pourra pas la payer et où le Japon demandera en échange une cession territoriale importante, celle de Formose par exemple : mais ces nouvelles ont besoin de confirmation. Tout ce qu’on peut dire, c’est que les affaires d’Extrême Orient entrent dans une autre phase, puisque les négociations diplomatiques vont, dès demain, se mêler à la guerre et peut-être, il faut le souhaiter du moins, en suspendre le cours sanglant.

Francis Charmes.




C’est l’un de ses plus anciens et de ses plus illustres collaborateurs que la Revue des Deux Mondes vient de perdre en la personne du duc de Noailles. Héritier de l’un de ces noms dont on peut dire que la gloire se confond avec l’histoire même de la patrie française, le duc de Noailles n’en était pas moins un homme de son temps, et, s’il avait le sentiment très vif de l’illustration de sa race, il ne l’avait ni moins vif, ni moins profond, des conditions de la France moderne. Sans doute, il se souvenait que si ce nom de Noailles était inséparable des traditions de l’ancienne monarchie, il l’était également du souvenir de la nuit du 4 août 1789 ! et les circonstances, — ou peut-être une défiance exagérée de lui-même, — ont bien pu l’écarter du maniement des affaires publiques ; mais sa naissance ne l’a pas empêché d’être l’un des esprits