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avait déjà remplies, des notions variées dues à l’étude et à la méditation. De tous les hommes d’Etat que la Turquie comptait à cette époque, nul n’était, mieux que lui, en position de s’acquitter de la tâche qui lui était confiée.

On sait que les plénipotentiaires ne parvinrent pas à s’entendre, malgré la présence de lord John Russell et de M. Drouyn de Lhuys, accourus de Londres et de Paris pour hâter une solution pacifique. La Russie refusa d’accéder à la troisième hase stipulant la neutralisation de la Mer-Noire, et les négociations furent de nouveau rompues. L’Autriche, avant la clôture de la conférence, mit en avant une nouvelle proposition qui pouvait être agréée à Saint-Pétersbourg, mais que les représentans des puissances occidentales durent décliner. Cette dernière tentative du cabinet de Vienne, faite dans l’intérêt de la Russie, mil en grande joie lord Stratford. « Vous le voyez, me dit-il, mes prévisions se réalisent, l’Autriche va à l’ennemi. »

Mais comment jugeait-on à Londres sa propre conduite, son attitude réfractaire ? Ma correspondance était communiquée à notre ambassadeur en Angleterre, le comte Walewski, qui eut ainsi l’occasion de s’entretenir plusieurs fois, en parfaite connaissance de cause, avec lord Clarendon, principal secrétaire d’Etat pour les affaires étrangères, des incidens qui surgissaient à tout propos à Constantinople. Déjà, dès le 3 janvier, M. Thouvenel me faisait part de l’extrait suivant d’une lettre du comte Walewski : « Lord Clarendon s’est laissé aller aujourd’hui avec moi sur le compte de son ambassadeur à Constantinople. Il m’a dit que tout le monde en avait par-dessus la tête et que rien ne leur serait plus agréable que de rappeler ce vieux fou. Mais le Parlement, mais l’opinion publique, mais l’influence qu’il passe pour exercer sur le Divan, enfin bien des mais… Toutefois, tenez pour certain que lord Stratford est ébranlé, et qu’il y a toute chance pour qu’une attaque à fond mette le susdit personnage à bas. » M. Thouvenel ajoutait :

Comme avec irrévérence
Parlent du Dieu ces marauds.

Six semaines après, je recevais une nouvelle communication de la correspondance du comte Walewski : « Presque tous les membres du cabinet anglais, disait notre ambassadeur à Londres, à commencer par le premier ministre, sont convaincus de la nécessité de mettre un terme à la mission de lord Stratford de Redcliffe à Constantinople, et il est probable que, d’une manière ou d’une autre, on y arrivera prochainement. » Cette conclusion, me mandait M. Thouvenel, est précédée de la tirade