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Autre exemple : les Bretons vrais d’Armorique sont, dit-on, dolichocéphales et de haute taille ; nez saillant, haut et étroit, teint fleuri, cheveux et yeux clairs ; c’était du moins le type breton pur du ive siècle, dont subsistent encore de beaux spécimens. Les Celtes d’Armorique, au contraire, ont la face large, aplatie, courte, les arcades sourcilières prononcées, et ils sont trapus. A-t-on pourtant remarqué la moindre différence entre ces deux couches ethniques de notre Bretagne, sous le rapport du caractère, des mœurs, des croyances ?

Après l’esprit religieux ou irréligieux, — dont les anthropologistes font une supériorité ou une intériorité selon leurs goûts, — on invoque l’esprit guerrier et aventureux des hommes du Nord, pour en faire, cette fois, une supériorité indiscutable. Mais d’abord, les Celtes ont à leur compte, eux aussi, de grandes invasions et de grandes conquêtes : nous avons vu la vaste étendue de l’ancienne Celtique (sans parler de la Chine). Un pareil territoire n’a pas été envahi par des lâches ou par des hommes « passifs ». Après avoir dompté la Gaule, alors occupée par les « indomptables » Ligures, les Celtes refoulèrent ces derniers vers le sud-est et, s’avançant vers la Garonne, gagnèrent l’Espagne pour s’établir sur l’Elbe et former la Celtibérie, vers le VIIe siècle avant Jésus-Christ. Ils s’étaient également répandus dans l’Armorique et les Iles Britanniques. Si donc l’esprit conquérant et la valeur guerrière, — qu’on retrouve d’ailleurs partout et chez toutes les races, — sont les vrais signes de la supériorité, il est impossible de concevoir les Celto-Slaves comme inférieurs aux Scandinaves et Germains. Quant à déclarer que ces énormes masses de Celtes ont dû nécessairement être conduites par des crânes longs à chevelure blonde, c’est remplacer l’histoire par l’épopée des blonds. Il y a eu une première invasion celtique, probablement brune, et une seconde gauloise (conséquemment de race blonde), voilà tout ce que l’histoire nous apprend.

En outre, la psychologie des Celto-Slaves et Touraniens contient une contradiction fondamentale. Si les masses mongoliques de l’Asie sont des Savoyards attardés, comment nos Savoyards, Auvergnats et Bas-Bretons ressemblent-ils si peu à leurs ancêtres nomades ? Le nom de Touraniens désigne les nomades non Aryens, et toura exprime la vitesse du cavalier ; or, qui fut moins attaché à la terre, moins « pacifique », moins « tranquille » que les nomades touraniens ? M. Richepin, qui prétend les avoir pour ancêtres (bien qu’originaire d’une famille de l’Aisne), nous a chanté leur « Chanson du sang » :

Avant les Aryas, laboureurs Je la terre…
Vivaient les Touraniens, nomades et tueurs.