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entrée dans les Principautés, l’aient vivement irrité et qu’il ait mis une ardeur particulière à les combattre. Si l’on s’en était tenu à ses avis, on n’en aurait fait, aucun cas, au risque de provoquer un éclat entre les troupes turques et celles du général de Hess.

Deux incidens notamment le portèrent à témoigner de son mécontentement. A l’arrivée de ses avant-postes à Bucharest, Omer-Pacha avait confié les fonctions de commandant de la place à un officier anglais au service de la Turquie. Survinrent les Autrichiens, qui exigèrent son éloignement. D’autre part, le cabinet de Vienne, s’appuyant sur la convention conclue avec la Porte, stipulant le rétablissement de l’état légal dans les Principautés, entendait que le prince Stirbey, hospodar de Valachie, qui s’était retiré en Autriche lors de l’invasion des Russes, fût sans retard appelé à reprendre le pouvoir dans cette province. Or ce prince avait, en plusieurs occasions, donné des preuves d’un entier dévouement à la cour de Saint-Pétersbourg. L’ambassadeur d’Angleterre combattit cette prétention de l’Autriche avec sa véhémence habituelle. Je l’appuyai de mon mieux, et je m’unis à lui surtout pour lever les obstacles que les Autrichiens mettaient à la marche de l’armée ottomane. Mais je ne perdais pas de vue que le gouvernement dont j’étais le représentant à Constantinople poursuivait, à Vienne, d’accord avec le cabinet de Londres, des négociations pour la guerre ; et pour la paix dont ils espéraient les plus heureux résultats ; qu’il ne m’appartenait pas de les entraver ; et qu’il était, au contraire, de mon devoir le plus évident de les seconder activement. Cette manière de voir n’était pas partagée par l’ambassadeur d’Angleterre, et mon entente avec lui eut à en souffrir plus d’une fois. Je retrouvai, dans ces occasions, le diplomate audacieux qui s’inspirait de ses propres vues plus encore que de celles de sa cour, et à mon tour je vis se dresser devant moi cette hostilité incurable dont il s’armait pour assurer le triomphe de ses opinions personnelles. Je dirai plus loin une des phases les plus aiguës de l’histoire de mes rapports avec lui.

Pendant qu’on se querellait à Constantinople sur des faits d’ordre secondaire, les puissances se concertaient pour en venir à poser les bases de la paix future, et, en février 1855, on tomba d’accord pour convoquer de nouveau, à Vienne, la conférence qu’on avait vainement réunie l’année précédente. Lord Stratford le regrettait sans dissimuler son sentiment qui n’était pas celui de son gouvernement. Voici comment il le manifesta : la Porte avait déféré aux instances de ses alliés en signant avec l’Autriche la convention qui ouvrait les Principautés aux troupes impériales,