Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 128.djvu/384

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une explication beaucoup plus naturelle : on doit s’y tenir jusqu’à preuve du contraire, et la preuve incombe aux adorateurs des blonds. Si le terme d’Aryens est « pseudo-historique », les étiquettes d’Homo Europœus et Homo Alpinus sont pseudo-zoologiques ; et nous craignons fort que Linné et Bory n’aient ici cédé à la manie des classifications à outrance.

Maintenant, au point de vue de la psychologie, la différence de longueur entre les crânes a-t-elle l’importance qu’on veut lui attribuer ? Maint anthropologiste prudent le nie, par exemple M. Manouvrier. Si la forme allongée avait tant de conséquences pour l’intelligence et la volonté, comment se ferait-il que les nègres, en majeure partie, soient dolichocéphales, — ces nègres en qui on ne veut pas reconnaître des frères ? — Accusera-t-on encore l’Homo Alpinus, celte ou slave, d’avoir « glacé » leur civilisation ? On répond que les nègres doivent être une « déviation » d’un type dolichocéphale primitif ; mais alors ils redeviennent nos frères, malheureux sans doute, mais nos frères. On a prétendu aussi (d’autres ont dit le contraire) que l’enfant est plus dolichocéphale, la femme également ; ce qui, d’après les théories en faveur auprès de nos anthropologistes, indiquerait une infériorité ; on a même dit que la dolichocéphalie de certains criminels était un retour à la sauvagerie primitive ; mais alors, comment la même dolichocéphalie devient-elle un signe de supériorité chez les classes aristocratiques ? Et les singes ? sont-ils brachycéphales ? « Quelques degrés de plus » dans l’indice céphalique sont une mesure bien grossière. Les Bruxellois ont pour indice 77 à 78 et sont plus dolichocéphales que les Prussiens à 79 ; leur sont-ils pour cela supérieurs « d’un degré ? » Les Sardes sont très dolichocéphales à 72,8, les Arabes d’Algérie à 74, les Corses à 75,2, les Basques espagnols à 77,6. Nous ne voyons pas que l’allongement de leurs crânes leur ait beaucoup servi. Les Sardes, en particulier, ont été d’une stérilité remarquable. Les Suédois représentent la plus pure race Scandinave ; quelque intelligens qu’ils soient, ils ne dominent pas le monde. Des différences de longueur ou de largeur crânienne qui, nous l’avons vu, se retrouvent au sein de toutes les races d’hommes et dans tous les pays, ne sauraient être la raison essentielle de la supériorité et du progrès moral. D’ailleurs, selon M. Collignon, l’indice céphalique peut varier de dix degrés dans une même race : à lui seul, il est donc un signe insuffisant.

Voyez, dans le détail, la description psychologique des trois prétendues races distinctes. Nos anthropologistes en conviennent d’abord, le Méditerranéen et le Sémite se rapprochent tellement de l’Hyperboréen que des nuances seules les distinguent. En fait, si