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intellectuel et la beauté typique de sa race, le dieu de la lumière et le dieu des arts, inspirateur souverain des oracles, — Apollon a les cheveux blonds, les yeux bleus, une taille élevée. Minerve, cet autre « Verbe » de Jupiter, personnification féminine de la sagesse grecque, a dans ses yeux tout l’azur et toute la profondeur de la mer. Les Néréides et les Nymphes sont blondes. Diane est blonde. Jusque dans les royaumes infernaux, Rhadamante est blond.

On nous dira que le blond, étant plus rare, dut être à la mode. N’a-t-on pas fait aussi de Jésus un blond, de la Vierge une blonde, sans compter tous les anges blonds ? Les femmes romaines ne teignaient-elles pas leurs cheveux en blond pour imiter les Germaines et les Gauloises ? — Sans doute, mais un passage capital du physionomiste grec Polémon, cité par M. Salomon Reinach, représente les Grecs purs et de haute classe comme « grands, droits, aux épaules larges, à la peau blanche et aux cheveux blonds[1]. » Selon M. Morselli, dans ses leçons d’anthropologie, il suffit de parcourir une galerie artistique contenant des tableaux à partir de la Renaissance pour y voir le nombre des individus blonds, surtout chez les femmes, très supérieur à celui des bruns. C’est l’impression que nous avons nous-même rapportée des Musées d’Italie. Enfin on a soutenu que l’aristocratie romaine, comme la grecque, était blonde : souvent les noms l’indiquent : Flavius, Fulvius, Ahenobarbus, Sylla et Tibère sont représentés comme blonds. Le vieux Caton était roux. Virgile, d’origine gauloise, était blond. Tite-Live était un Kymri. Au moyen âge, les hautes classes étaient incontestablement, en France et à l’étranger, de race gallique ou germanique, c’est-à-dire dolicho-blonde. Les Celtes à tête courte, plus ou moins bruns, de taille moyenne, formaient en Gaule la masse inférieure de la population ; les Gaulois proprement dits, à tête longue, aux longs cheveux blonds, aux longs corps blancs, représentaient la race conquérante, de même que, plus tard, les Francs[2]. Selon M. Durand de Gros, les familles nobles qui subsistent encore en France à un état de pureté

  1. Les Allemands ont noté, dans Virgile, cette description d’un personnage d’aspect entièrement germain et ayant même un nom germanique. Herminius :
    Catillus Iolan
     : : Ingentemque animis, ingentem corpore et armis
    Dejicit Herminium, nodo cui verlice fulva
    Cæsaries nudique humeri.
    On sait que les Francs et les Germains attachaient d’un nœud leur longue chevelure, qui retombait en arrière.
  2. M. Soubies a publié à Halle (1890) un livre sur l’idéal de la beauté masculine chez les anciens poètes français des XIIe et XIIIe siècles. L’idéal physique était le type aristocratique : taille élevée, épaules larges, poitrine développée, taille mince, pied voûté, peau blanche, cheveux blonds, teint coloré, regard vif, lèvres vermeilles,