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aujourd’hui la majorité de la population européenne. Le massif alpin de l’Europe centrale et ses abords, monts d’Auvergne, Vosges, etc., en sont presque exclusivement peuplés : Bas-Bretons, Auvergnats, Cévenols, Savoyards, Vosgiens, la plupart des Suisses, Bavarois, Roumains, Albanais. Leurs « nappes immenses » s’étendent sur la Russie et l’Asie du nord, où ils ont conservé leurs idiomes propres « ouralo-altaïques », tandis qu’ils ont adopté partout ailleurs les langues indo-européennes. Reste la troisième couche, formée de la race blonde à crâne allongé, vulgairement appelée aryenne, et que Linné nommait plus proprement : Homo Europœus. Elle se trouve dans le nord-ouest, où elle est en voie d’extinction, et elle n’existe dans le reste de l’Europe « qu’à l’état sporadique ou de croisement complexe[1]. » Les anthropologistes ont proposé de nombreux exemples d’analyse ethnique : leurs tableaux ont pour but de faire saisir la différence de composition d’une même population suivant les couches sociales et suivant les temps, ainsi que l’affinité des différens types anthropologiques avec « certaines conditions sociales. » C’est à l’aide de nombreux documens de ce genre qu’on a essayé de constituer une « anthropologie des classes », d’ailleurs assez douteuse. La loi qui s’en dégagerait, selon quelques-uns — notamment selon M. de Lapouge et M. Ammon — c’est que, partout, les classes supérieures de nos sociétés sont plus riches en élémens à crâne allongé, — les classes inférieures en élémens à crâne large. Les couches sociales révéleraient ainsi, par leur superposition même, les diverses couches historiques : ici les conquérans et seigneurs, là les conquis, inférieurs, prétend-on, en intelligence et en énergie[2]. Prenons pour exemple les analyses faites par M. de Lapouge sur l’ancienne société montpelliéraine : nous y voyons que les classes supérieures étaient dolichocéphales, en comparaison des classes inférieures. En outre, la bourgeoisie était plus riche en élémens méditerranéens, c’est-à-dire en dolichocéphales bruns. Ces deux phénomènes se rencontrent, prétend-on, dans tous les cas semblables. Une autre loi, plus généralement admise, c’est que, depuis les temps préhistoriques, les brachycéphales tendent à éliminer les dolichocéphales, par l’invasion progressive des couches

  1. Voir, outre les travaux de Broca, de MM. Bertrand, Lagneau, Topinard, les études publiées par M. de Lapouge dans la Revue de sociologie, 1893 et 1894, dans la Revue d’anthropologie, 1887-1888 et dans l’Anthropologie, 1888-1892 ; Beddoe, Races of Britain, et Anthropological History of Europe.
  2. Ajoutons que les vainqueurs, comme l’a montré M. Collignon, occupent généralement la plaine et les vallées, tandis que les vaincus ont été refoulés dans les montagnes ou sur les côtes extrêmes de l’Océan.