Après M. Gerhardt Hauptmann, voici que M. Hermann Sudermann a parmi nous son heure de vogue. Le théâtre de la Renaissance a donné l’une de ses pièces, Magda (Heimat), et une excellente traduction vient de nous présenter le premier de ses romans : La Femme en gris (Frau Sorge). Comme M. Hauptmann, qui partage avec lui l’honneur d’occuper le premier plan de la scène littéraire de son pays, M. Sudermann est un astre du nouveau règne. Mais, tandis que l’auteur des Tisserands réussissait surtout auprès de la jeune école et soulevait le bruyant enthousiasme des fondateurs de la Scène libre, M. Sudermann gagnait d’emblée la faveur du grand public : d’un jour à l’autre, son nom devenait célèbre ; les éditions de ses livres se succédaient avec un bel élan ; ses pièces atteignaient, sur les divers théâtres de l’Allemagne, à un chiffre inconnu de représentations : ce qui, comme il convient, lui valait l’impopularité des cénacles, où l’on n’admet les « grands hommes » qu’à condition qu’ils restent inconnus. Attaqué violemment par les uns, fêté par les autres, ayant en tout cas l’art d’attirer l’attention et de la retenir, il s’est fait en quelques années une situation littéraire à laquelle, depuis longtemps, aucun de ses compatriotes n’était parvenu. Les meilleurs, en effet, parmi les écrivains de la génération précédente, — les Gotfried Keller, les Gustave Freytag, les Spielhagen, les Paul Heyse, les Wilbrandt, — s’ils ont conquis l’estime générale par la continuité de leurs louables efforts, s’ils ont remporté même avec telle de leurs œuvres, le Grüne Heinrich ou Doit et Avoir, des succès plus éclatans, n’ont jamais passionné la foule des lecteurs de
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LE NOUVEAU ROMAN
DE M. SUDERMANN
Es War, par M. Hermann Sudermann. 1 vol. in-18 ; Stuttgard, 1895, Cotta.