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un parti excellent et qui ne convenait qu’après la conquête assurée et après avoir mis tous les peuples à l’abri de la crainte des Autrichiens, c’est celui de révolutionner enfin décidément et de former des légions italiennes. Vous êtes maître des pays habités par les meilleures espèces d’hommes qu’ait l’Italie… L’établissement de la liberté et de bonnes républiques, depuis Milan jusqu’au royaume de Naples, est sans doute ce qui peut le mieux assurer nos intérêts en Italie et contenir, dans les limites, d’un côté le roi de Naples, et, de l’autre, la puissante Allemagne… Si la paix avec le roi de Naples est signée, tout l’Etat ecclésiastique est en votre pouvoir ; il est conquis d’avance et tout entier à votre disposition… Il faut laisser Rome se préparer, par le spectacle environnant, à la révolution qui s’y fera en dernier lieu. Le colosse de Rome est moins difficile à détruire qu’on ne pense. » Cependant un congrès des quatre cités de l’Emilie : Modène, Reggio, Bologne, Ferrare est convoqué à Reggio pour la fin de décembre. Bologne se constitue en république, au chant de Veni Creator, et députe son président, Aldini, vers Bonaparte. C’est un unitaire et l’un de ces Italiens emportés vers l’avenir, qui, n’ayant pas encore de frontières, réclament déjà Rome capitale. « L’Italie, dit Aldini, ne sera libre que quand elle sera indépendante, et indépendante que quand elle sera unie. Elle doit tout faire pour l’unité. » C’est aller trop vite et surtout trop loin, au gré de Bonaparte. Il estime qu’avant de se déclarer unitaires, il faut se montrer unis ; que l’esprit de rivalité séculaire des provinces et des villes est trop invétéré pour qu’on songe à former une république italienne. « De bonnes républiques », selon le conseil du prudent Cacault, voilà ce qui lui convient, et ce qui, par suite, doit convenir à l’Italie. Elles formeront des foyers de nation et d’Etat, que l’on étendra par rayonnement, selon les convenances. En attendant, la France, les ayant suscitées, sera forcée de les défendre ; ; défendues par la France, elles demeureront à sa discrétion ; et le Directoire, qui voudrait les garder à l’état de conquête pour en trafiquer plus aisément, ne pourra plus en faire marché quand, en son nom, mais en dépit de ses ordres, Bonaparte les aura constituées. Il se hâte donc, et ce sera sa politique durant toute cette extraordinaire campagne de l’an V (septembre 96 à septembre 97), de précipiter les événemens afin d’opposer, partout et à tout le monde, des faits accomplis.

« Il y a, dans ce moment-ci en Lombardie, trois partis, écrit-il au Directoire, le 28 décembre : 1° celui qui se laisse conduire par les Français ; 2° celui qui voudrait la liberté et montre son désir avec quelque impatience ; 3° le parti ami