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Cette détermination comportait l’éloignement immédiat de tous les Hellènes qui résidaient dans l’empire ottoman. Parmi eux, quelques-uns appartenaient au culte catholique. Sollicité par les lazaristes dont les écoles étaient fréquentées par les enfans de nos coreligionnaires grecs, le général Baraguey d’Hilliers, suggéra aux conseillers du sultan de les exempter de cette mesure d’expulsion. Rechid-Pacha occupait alors le poste de ministre des affaires étrangères. Il agréa avec un tel empressement le désir qui lui était exprimé, que l’ambassadeur crut pouvoir en instruire les intéressés. A la Porte comme à l’ambassade de France, on avait compté sans le représentant de la Grande-Bretagne. Lord Stratford mit son veto à cette concession. Le nombre des grecs appelés à en bénéficier était bien minime, mais il ne lui convenait pas que son collègue pût se prévaloir, sans sa participation, d’une mesure gracieuse qu’il avait provoquée. Esprit faible et ambitieux, entouré d’adversaires qui lui disputaient la confiance du sultan, Rechid-Pacha subissait la domination de l’ambassadeur d’Angleterre dont l’appui lui était nécessaire. Il revint sur sa détermination. Dès qu’il en fut instruit, le général Baraguey d’Hilliers maintint que l’agrément donné à son ouverture lui était acquis, que sa dignité personnelle se trouvait engagée, nul n’ignorant plus à Constantinople sa démarche et l’accueil qu’elle avait rencontré, nul ne pouvant se dissimuler que l’évolution de la Porte était due à la pression exercée par le représentant d’une autre puissance. Il exigea que l’engagement pris avec lui lût exécuté, annonçant hautement son intention de recourir, au besoin, à des résolutions extrêmes. Cette attitude ne modifiant pas celle de l’ambassadeur d’Angleterre, la Porte ou plutôt Rechid-Pacha déclina définitivement la suggestion qu’il avait si favorablement accueillie. Devant ce procédé si blessant, le général décida de suspendre les relations de l’ambassade avec le ministère ottoman, sans déguiser son intention de quitter Constantinople. Il réunit son personnel dans son cabinet, lui fit part de sa détermination, et chacun reçut l’ordre de le suivre, les affaires courantes devant rester confiées aux soins du chancelier de l’ambassade.

Cette complication survenait dans un moment fort inopportun. Déjà nos troupes débarquaient à Gallipoli ; nous savions le maréchal de Saint-Arnaud en route pour les rejoindre. Je demandai à l’ambassadeur l’autorisation d’aller prendre congé de Rechid-Pacha, ma démarche devant le convaincre de l’imminence de la rupture et pouvant le déterminer à revenir à des sentimens plus concilians. Avec l’assentiment du général, je me rendis donc au palais du ministre des affaires étrangères qui, fort alarmé de