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des édifices où nous installons nos musées, et les conflits entre l’administration des beaux-arts et lui sont d’autant plus fréquens que leurs attributions respectives les mettent continuellement en contact. Dans les jardins de Paris, les statues appartiennent aux beaux-arts, et les socles qui les supportent aux travaux publics. On a assuré à la Chambre, mais nous n’oserions pas le garantir, qu’à la manufacture de Sèvres les carreaux de vitre sont nettoyés à l’intérieur par les beaux-arts et à l’extérieur par les travaux publics, de sorte qu’ils sont toujours sales d’un côté, les deux administrations ne parvenant jamais à s’entendre pour opérer en même temps. Vingt anecdotes du même genre ont successivement amusé la Chambre. Les uns en ont conclu qu’il fallait supprimer la direction des bâtimens civils et répartir, suivant leur nature, les services dont elle est chargée entre tous les ministères ; les autres, qu’il fallait seulement réorganiser la direction si critiquée, et la Chambre s’est ralliée à ce dernier avis. Elle a eu raison ; mais personne n’a dit ni même laissé apercevoir dans quel sens la réorganisation serait faite. M. le ministre des travaux publics s’est écrié : « Il n’y a que huit jours que je suis au ministère : comment pourrais-je vous apporter un plan de réforme ? » Néanmoins il a promis d’en apporter un, Dieu seul sait lequel ! pour le prochain budget, et il a nommé une commission pour s’en occuper. Pourquoi pour le prochain budget ? Les ministres cèdent eux aussi à la tentation de faire tout entrer dans le budget : ils devraient s’appliquer, au contraire, à mettre en dehors de lui le plus de choses possible. Allégeons, dégageons les budgets de toutes les matières qui les encombrent ; peut-être alors prendront-ils une allure moins lourde et une marche plus alerte. Pour arriver au vote du budget de 1895, actuellement en discussion, il a fallu l’expurger de deux ou trois réformes qui auraient pris des semaines et peut-être des mois de discussion : Mais tout cela, avec quelques autres choses encore, se retrouvera dans le budget de 1896, et comme il ne sera déposé qu’après le vote de celui de 1895, probablement même après les vacances de Pâques, on tremble à la pensée de ce qu’en deviendra la discussion. Nous crierons au miracle si elle est terminée le 31 décembre.

Nous avons dit que M. le ministre des travaux publics avait remis à une commission le soin d’étudier la question des bâtimens civils. Ces commissions ont du bon, pourvu qu’on n’en abuse pas, et qu’on n’en mette pas partout. Pour les projets de lois ordinaires, les commissions de la Chambre suffisent ; mais quand on se propose d’accomplir une œuvre très considérable et de remanier profondément l’organisation administrative et politique avec laquelle nous vivons depuis le commencement du siècle, l’enceinte parlementaire devient un peu étroite, et on ne peut s’y renfermer sans se priver de lumières