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deux auteurs ont pris Schiller pour sujet comme ils auraient pris Klopstock ou Gellert, simplement parce qu’ils voulaient appliquer leur méthode de critique à l’étude de la vie et de l’œuvre d’un poète allemand. Ils nous ont donné une foule de documens précieux : mais leurs travaux n’ont rien fait gagner à la gloire de Schiller.

Et je ne crois pas que celle-ci gagne beaucoup, non plus, à l’article de M. Litzmann. L’éminent professeur proteste, à chaque ligne, de son admiration pour Schiller, il salue en lui le plus grand poète dramatique de l’Allemagne ; mais il avoue en même temps que l’œuvre de Schiller a singulièrement vieilli, que ses ouvrages de prose ont perdu la plus grande part de leur intérêt, que ses premiers drames sont devenus à peu près illisibles, et que, même dans ses chefs-d’œuvre, il y a trop de sentences survenant hors de propos aux momens les plus pathétiques.

La gloire de Schiller est décidément bien malade ; mais ce genre de maladie n’est pas toujours incurable. La gloire de Mozart, elle aussi, a été longtemps en danger : et la voici qui renaît en Allemagne et dans l’Europe entière, plus fraîche et plus pure que par le passé. Peu s’en est fallu que Byron ne fût considéré, en Angleterre, comme le plus médiocre des versificateurs : on recommence aujourd’hui à le considérer comme un grand poète. Peut-être sera-t-il bientôt permis à Schiller de prendre sa revanche : et peut-être se trouvera-t-il bientôt quelque nouveau Nietzsche pour reprocher aux critiques allemands d’associer le nom de Gœthe au grand nom de Schiller.


T. DE WYZEWA.